Kvitova, Svitolina, Stephens, Dimitrov, Thiem, Goffin. Tous ces joueurs commencent un tournoi avec une pancarte de gros outsider voire de grand favori. Ils sont entrés au All England Lawn Tennis and Crocket Club de Wimbledon avec cette même pancarte et chacun avec des ambitions élevées. Dès mardi et la fin des premiers tours, ces espoirs ont été balayés. Cette semaine, ils ne sont pas les seuls à avoir connu pareil désillusion. Pas moins de 21 têtes de série ont été éliminées au premier tour à Londres (11 chez les hommes, 10 chez les femmes), un record ! Ils ont été 9 autres à les rejoindre au tour suivant. Sur 32 par tableau, les ratios (50% pour les hommes, 56% pour les femmes) de têtes de série atteignant le 3ème tour (tour jusqu’auquel elles sont « protégées » et censées se rencontrer) sont particulièrement bas. Pourquoi les meilleurs ont eu tant de mal lors de ces premiers jours du Grand Chelem londonien ? Est-ce un phénomène nouveau et voué à perdurer lors des prochaines années ? *
Chaque défaite à une cause particulière et souvent différente mais on pourrait regrouper les éliminations prématurées en plusieurs catégories :
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- Les grosses surprises comme les sorties de Kvitova ou Cilic, favoris dans les deux tableaux mais aussi la numéro une mondiale, Simona Halep.
- Les défaites qui auraient pu être logiques contre des joueurs revenant à la compétition ou contre des anciens tops joueurs : Dimitrov et Garcia sont de ceux-là, éliminés par Wawrinka (ancien 3ème mondial) et Bencic (ancienne 7ème).
- Les défaites excusables comme celle de Thiem, qui a abandonné, blessé.
Une statistique pourrait consoler nos déçus de la semaine : deux tiers (14) des coupeurs de tête du 1er tour ont confirmé au tour suivant montrant que l’exploit n’a pas été sans lendemain et que leur victoire n’est pas que l’œuvre de la chance.
Les têtes de série éliminées lors des 2 premiers tours de Wimbledon
Une tendance déjà bien ancrée
Ce sont donc 30 têtes de série qui ont perdu dans les deux premiers tours dont un record de 21 au premier tour. Cette statistique élevée peut s’expliquer à Wimbledon : en effet, il y a peu de tournois de préparation et ainsi une grosse concurrence sur très peu de matchs. Les joueurs arrivent donc à Londres soit en manque de rythme soit légèrement émoussés. L’année dernière déjà, 11 hommes et 17 femmes parmi les 32 meilleures n’avaient pas passé le deuxième tour.
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Têtes de série éliminées aux 1ers et 2èmes tours des Grands Chelems
Dans les autres Grands Chelems aussi, depuis un moment, de nombreuses têtes de série chutent d’entrée ou au 2ème tour. Cette donnée est loin d’être nouvelle. Avec le top 30 en perpétuel renouvellement, il est normal que certains joueurs ou joueuses ait du mal à se faire à leur statut. De plus, les joueurs peuvent arriver « rincés » en Grand Chelem : Roland Garros, par exemple, intervient après une saison de terre battue longue de 2 mois quasi complets. Wimbledon a lieu très peu de temps après : ainsi les joueurs obtenant des bons résultats sur terre, accèdent au top 32 à Wimbledon où les conditions sont radicalement différentes. Il est normal de voir des joueurs qui calent quand les matchs en 3 sets gagnants arrivent ou lorsque la surface change.
Ce phénomène a aussi lieu en Masters 1000 / Premier Event. Les 16 têtes de série (32 à Indian Wells et Miami) ont de nombreuses difficultés à passer les premiers tours. Le déclin progressif du Big 4 et l’absence de « Reine absolue » ont amené les autres joueurs et joueuses à croire en leur chance et à aller au bout, en témoigne la diversité des joueurs et joueuses ayant gagné un titre majeur ces derniers mois.
Têtes de série éliminées aux 1ers et 2èmes tours des M1000 et Premier Event en 2018
Des favoris pas si favoris ?
Des têtes de série qui perdent tôt, ce n’est pas nouveau. Ce qui frappe cette semaine, c’est le nombre de grosses têtes d’affiche qui ne répondent pas à l’appel du 3eme tour. 10 tops 10 en tout : Cilic, Dimitrov, Thiem, Goffin chez les hommes, Wozniacki, Muguruza, Stephens, Svitolina, Garcia, Kvitova chez les femmes. Pourtant, pour la majorité d’entre eux, aucun signe n’indiquait une possible défaillance : victoire au Queens pour Cilic, à Eastbourne pour Wozniacki, à Birmingham pour Kvitova. D’ailleurs, à l’exception de Federer et Barty, tous les vainqueurs de tournois sur gazon cette saison n’ont pas atteint le 3ème tour de Wimbledon.
Pourquoi ces joueurs ont tant de mal à faire respecter leur statut ? La réponse se trouve dans la densité des circuits. Prenons le classement ATP : entre l’actuel 20ème, Borna Coric, et le 50ème, Andreas Seppi, il n’y a que 749 points d’écart. On peut très bien passer du top 30 à la 50ème place en moins d’un mois. Est-ce pour autant que le joueur perd tout son niveau ? Je ne pense pas, il devient même une menace pour ceux qui le rencontreront lors des premiers tours. Ainsi, au lieu de rencontrer ce type de joueur au 3ème tour ou en huitième de finale (voire au-delà), ils se jouent lors des deux premiers tours.
Autre raison flagrante de la chute des favoris cette semaine : une absence de plan B. Par exemple Garbine Muguruza, tenante du titre, et Marin Cilic, finaliste en 2017, sont restés enfermés dans leur schéma de jeu sans avoir de solution quand le match tournait et leur échappait. C’est un peu le problème qu’Ostapenko a rencontré à Roland Garros : ça passe et elle remporte le titre, ou ça casse et elle sort dès le premier tour. De plus, la pression s’est déplacée vers des joueurs qui étaient outsiders jusque-là et qui, de par leurs résultats, deviennent des favoris naturels. La gestion de cette pression n’est pas évidente ni donné à tout le monde.
Voué à durer
Après ce Wimbledon, il ne restera qu’un seul Grand Chelem cette saison avec l’US Open. Après celui-ci, tous les Grands Chelems ne comporteront que 16 têtes de série. Ainsi, les 32 meilleurs mondiaux (mais surtout les cadors du circuit) seront bien moins protégés. Avec cette réduction de moitié, les premiers tours seront un vrai champ de mine pour les favoris. En l’état actuel, Rafael Nadal, numéro un mondial pourrait rencontrer Novak Djokovic 21ème dès le premier tour de l’Open d’Australie : ça promet des étincelles ! Les joueurs qui aiment profiter des premiers tours pour se roder et trouver leurs marques devront être dans le bain dès les premiers coups de raquette.
Comme dit précédemment, les circuits sont de plus en plus denses et le niveau moyen ne cesse d’augmenter. Chaque match est donc dangereux et les surprises sont permises à chaque tour. De plus, quand le Big Four prendra sa retraite, il n’est pas improbable qu’aucun joueur n’arrive à prendre leur place et ne devienne le patron du circuit. Il y aura alors un turnover important comme on a pu le vivre à la fin des années 90 – début des années 2000.

Nous n’avons pas fini de voir en Une des journaux les mots « Cataclysme », « Désillusion » ou encore « Tremblement de terre ». Les têtes de série vont et viennent et continueront de tombées. On a même hâte que la saison 2019 commence pour assister à de grosses affiches en tout début de tournoi. Avant cela, rendez-vous à l’US Open pendant lequel les favoris éviteront de se faire décapiter.
*article prenant en compte uniquement les résultats des premiers et deuxième tour, au moment où les têtes de série ne peuvent pas se rencontrer
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