Le tournoi « nouvelle ère » de Miami, désormais disputé dans le futuriste et gigantesque Hard Rock Stadium, a parfaitement illustré cette tendance à la mode et (selon moi) dangereuse des tournois de tennis à céder au chant des sirènes du gigantisme. Un chant entonné il y a quelques années par de nouvelles épreuves asiatiques, désireuses de se faire une place au soleil, et repris en chœur par plusieurs tournois majeurs du calendrier, lancés depuis dans un concours de « qui a la plus grosse » parfaitement ridicule. Tous sauf un : Roland-Garros, qui a tout bon. On va y revenir.
Miami, donc. Bye bye la charmante presqu’île de Key Biskayne, sa plage en arrière-plan, son highway d’accès fréquentée de mustangs cabriolées emplie de blondes siliconées, et ses iguanes en liberté. Bonjour le Hard Rock Stadium (rien que le nom est moche), son immense parking, ses containers à poubelles, ses marteaux piqueurs à l’ouvrage et ses bébés qui braillent en pleine finale dames. L’antre de l’équipe de foot US des Miami Dolphins, rénovée en 2015 pour 500 millions de dollars (un quart du PIB de l’Afrique), a l’avantage de compter 30 courts dont 12 d’entraînement et un central de 14 000 places… Suffisant pour les organisateurs, dont le pourtant très censé James Blake à la tête du tournoi (qu’on a toutefois peu entendu sur le sujet), laissent planer leur ambition mille fois éculée de devenir le « 5ème Grand Chelem », le fameux mouton à 5 pattes que personne n’a jamais vu… Mouah-ah-ah ! Sauf que le central de 14 000 places sonnait parfaitement creux la plupart des jours. Et que le tournoi de Miami a gagné en infrastructure ce qu’il a perdu en âme. Cinquième Grand Chelem, il l’était quand il ne revendiquait rien, à la bordée des années 90. Aujourd’hui, rien ne le distingue d’un Indian Wells ou d’un Shanghai. C’est juste une coquille vide. Immense certes. Mais parfaitement vide…
Par un drôle de clin d’œil, au moment où débutait Miami, Roland-Garros inaugurait, de son côté, le court Simonne-Mathieu, dans les Serres d’Auteuil, à deux pas de son site historique où la FFT avait finalement décidé de rester quand la question de déménager s’était fortement posée, il y a quelques années. Ce court, unanimement jugé magnifique, a cloué définitivement le bec, je crois, à tous les pisse-froids qui, la bave aux lèvres et l’œil goguenard, estimaient « insensée » cette décision du tournoi de rester dans son écrin d’origine. Vous avez remarqué, d’ailleurs ? Parmi ces partisans du déménagement, on ne trouvait quasiment pas de « vrais » joueurs de tennis. Que des vautours gravitant autour de notre sport, des économistes, des journalistes parisiens ou autres intellos bobos. Leur argument consistait à dire que l’Open d’Australie ou l’US Open ont justement « boosté » leur tournoi en déménageant, qu’il faut arrêter la nostalgie ringarde et vivre avec son temps.
Sauf que justement, vivre avec son temps, c’est reconnaître que le « boom » du tennis, avec tout l’amour que je porte à ce sport, n’est plus d’actualité. Et que rien n’indique pour l’instant le retour du printemps. Le contexte n’est plus du tout le même, beaucoup de sport font concurrence, les gens n’ont plus tout à fait la balle jaune comme principal souci… L’atout principal du tennis, justement, réside dans son histoire, son âme, son identité. Il faut la cultiver. C’est ce que n’a pas su faire, par exemple, la Formule 1, un sport qui ne sert plus désormais que de support à sieste pour quelques rares privilégiés abonnés à Canal. C’est ce que qu’a compris Roland Garros, dont je suis prêt à parier qu’il redeviendra LE tournoi de référence, avec Wimbledon qui sait aussi parfaitement manier le charme de l’ancien et la nécessité du moderne, d’ici une dizaine d’années.
Crédit photo en une : ATP tour