Elle est bien connue de tous les fans de moto, et est une figure des paddocks. Vanessa Guerra, disponible et solaire, nous a accordé un entretien, et revient avec nous sur sa passion pour les sports mécaniques, le journalisme et ce que c'est que d'être une femme dans ce milieu archi masculin.

Pour tous ceux qui suivent, les dimanches après-midis, la moto sur Eurosport, elle est une figure familière. Quadrilingue (anglais, espagnol, italien et français), elle est à l'aise avec 90% des pilotes et du staff. C'est son aisance qui a le plus surpris à ses débuts…

“Mon parcours ne me prédestinait pas du tout à ça”

Et pour cause… Vanessa Guerra, reporter sur les circuits depuis 2015, connait très bien le milieu des sports mécaniques.

“Je l'ai intégré en 2008, grâce à mon petit frère, Yannick Guerra. Il était pilote de l'écurie Holiday Gym Racing en SuperStock 600. Je sortais d'une école de commerce, mon parcours ne me prédestinait pas du tout à ça, mais j'ai commencé par être coordinateur de l'équipe, puis à m'occuper des relations de presse.”

La catégorie, qui n'existe plus, a vu passé quelques grands noms, parmi lesquels Danilo Petrucci ou Loris Baz.

L'aventure durera deux ans, d'abord en SuperStock 600 donc, puis en SuperSport, toujours chez Holiday Gym Racing. En 2010, pour la création de l'épreuve Moto 2, antichambre de la Moto GP, catégorie reine. Elle devient la première femme team manager de la catégorie.

“Je suis devenue team manager, et j'avais cette étiquette “soeur de pilote”, qui délégitimait ma position. J'ai passé beaucoup de temps avec les ingénieurs, les membres du staff. Je voulais qu'on me prenne au sérieux, qu'on ne puisse pas penser que c'était un passe-temps. J'ai beaucoup appris auprès de gens passionnés, qui ont su me transmettre leurs connaissances. Encore aujourd'hui, elles me sont précieuses.”

“My bike is a piece of shit”

Elle recroisera le pilote catalan en 2014. Elle est alors attachée de presse d'Honda-Repsol dans laquelle se trouve aussi Dani Pedrosa. Sa dernière dans une écurie.

“En 2015, on a appris que mon frère avait un souci de santé très sérieux. Je voulais être auprès de lui, ne pas faire le tour du monde, encore moins pour la moto qui est sa passion. Cette année-là, Suzuki faisait son grand retour à la GP, j'étais en négociation avec eux mais j'ai préféré ne pas donner suite.”

Il faut dire, aussi, que le rythme est usant. Surtout quand les pilotes n'y mettent pas du leur. Preuve en est la sortie surréaliste du pilote américain Colin Edwards en conférence de presse au Laguna Seca.

“La question lui était posée de savoir s'il voyait des entraves à ce qu'il obtienne de meilleurs résultats avec la moto. Il courrait chez la team Forward à l'époque, j'étais attachée de presse et, surtout, la seule de l'équipe à ses côtés. On était au mois d'août et tout le monde était en vacances, sauf moi. Colin a alors répondu, dans le plus grand des calmes : “My bike is a piece of shit” (“Ma moto c'est de la merde” en français, NDLR). J'étais paniquée, je ne savais absolument pas quoi faire !”

Grand seigneur, Edwards finira l'interview en disant “Vanessa, where are you ? I'm sorry, i'm really sorry !”

C'est finalement Alexis Masbou, alors pilote en Moto 3, qui permettra à la carrière de Vanessa Guerra de prendre un tour inattendu.

Le sens du timing

Il sait qu'Eurosport cherche une femme, multilingue et spécialiste de moto qui pourrait devenir leur consultante dans les paddocks. Il pense tout de suite à Vanessa Guerra, il en parle à Sébastien Charpentier qui  lui fait passer des essais.

“Je me suis rendue dans les locaux d'Eurosport, j'ai passé des essais et j'ai été prise. Une semaine après, je passais mon baptême du feu sur le Grand-Prix de Jerez”.

De son expérience dans les écuries, au plus près des ingénieurs, du staff et des pilotes, elle en a tiré un sens du timing.

“Être journaliste dans les paddocks, c'est géré l'urgence. On vous donne l'antenne, il faut interviewer en quelques secondes la bonne personne, lui poser les bonnes questions. Savoir comment fonctionne une équipe, ça me permet de ne gêner personne, de comprendre à quel moment je peux poser des questions à telle ou telle personne. C'est pour ça, aussi, que les équipes me font confiance : elles savent que je comprends leurs impératifs, et que je ne leur demanderai jamais de parler dans un moment qui ne soit pas opportun.”

2, Vanessa Guerra retient d'abord que Marc Marquez est un cran au-dessus, comme intouchable.

“On s'attendait à sa victoire cette année, mais peut-être pas aussi facilement, même si rien n'est facile en moto surtout à ce niveau. Même si la saison a été intense, comme celles qui se succèdent le sont chaque fois un peu plus depuis plusieurs années, on aurait pu s'attendre à voir des Yamaha plus fortes.”

“Pour la saison qui arrive, il garde un temps d'avance, parce qu'intrinsèquement il est au-dessus. Mais il faudra se méfier de Lorenzo : je pense qu'il va s'adapter très vite et qu'il sera rapidement compétitif. Et puis, Johann Zarco, lui aussi il faudra le surveiller de près. Il a signé chez KTM et il pourrait bien créer la surprise l'année prochaine.”

Vanessa Guerra garde, elle aussi, un temps d'avance sur les journalistes et consultants moto. En connaissant de près le fonctionnement d'une équipe et en suivant les courses au plus proche, il n'y en a pas beaucoup qui peuvent lui tenir la dragée haute.

Crédit photo de couverture : Miguel Paez