Arteta face à son vestiaire !
Le 20 décembre dernier, un vent d'optimisme soufflait sur le Nord de Londres. Mikel Arteta, adjoint de Pep Guardiola, quittait les jupons de son mentor pour se lancer dans son premier challenge en tant qu'entraîneur. Annoncé comme l'un des entraîneurs les plus prometteurs, il redonne de l'espoir à des supporters désabusés. Ambitieux, il prépare les fans à une refonte totale d'un effectif gangréné par insubordination et “passagers clandestins”.
Mais avant ça, il doit terminer une saison très mal embarquée. L'heure n'est pas aux changements mais à la remobilisation d'un vestiaire au bord de l'explosion. Les Gunners se lancent alors dans un baroud d'honneur qui, s'il sera décevant en championnat et en Europa League, prendra des airs d'épopée lors du parcours en FA Cup, où ils feront tomber tour à tour Sheffield United, Manchester City, puis Chelsea en finale, avant de s'offrir le Community Shield au nez et à la barbe de Jürgen Klopp.
Our boss. Our trophy.
Always forward 🏆 pic.twitter.com/piNLo7Oj2g
— Arsenal (@Arsenal) August 2, 2020
Les joueurs se pressent dans les médias pour annoncer qu'Arteta est l'homme qu'il faut pour mener à bien ce nouveau projet, vantant ses qualités de meneur et sa science du jeu. “Son analyse est incroyable. Il sait comment chaque match va se passer et ce que nous devons faire, par où nous allons être pressés et quelles solutions nous aurons.” affirme Kieran Tierney. C'est l'amour fou. Tout annonce une saison ambitieuse avec un retour en Ligue des Champions en ligne de mire.
La fin de la lune de miel
6 mois plus tard, les Gunners sont 15e, avec 1 victoire sur les 10 derniers matchs de PL. Le remaniement d'effectif n'ayant pas pu avoir lieu, les mêmes joueurs provoquent les mêmes problèmes. Comme la saison dernière, Arsenal approche la trêve hivernale sans confiance et sans envie.
Sur le terrain, le spectacle fait peine à voir. Mikel Arteta s'entête dans son 3-4-3, victorieux la saison dernière, mais qui n'est plus une surprise pour ses adversaires. Surcharger les ailes oblige les adversaires à doubler les couloirs, mais Arsenal ne dispose d'aucun relais performant au milieu qui permettrait de passer rapidement d'une aile à l'autre. Partey étant blessé, c'est Xhaka, Elneny et Ceballos qui se partagent les deux postes, tous aussi ternes les uns que les autres. Sans milieu, une construction en U prévisible et inoffensive se met en place, comme on peut le voir sur cette “passmap” tirée du match contre Everton. Il est d'ailleurs intéressant de noter que la seule victoire maîtrisée en Premier League des Gunners est celle contre Manchester United, qui jouait avec un milieu en losange, laissant totale liberté aux Gunners sur les ailes.
Quant à la défense, l'équipe est toujours aussi faible en transition défensive, Xhaka, Luiz, Holding et Bellerin étant incapables de défendre en reculant. Ils enchaînent les erreurs de marquage et de concentration, provoquant buts contre-leur-camp (3 cette saison) et cartons rouges (7 depuis l'arrivée d'Arteta). La plupart des cartons viennent même de mouvements d'humeur, comme pour Pépé et Xhaka, symptomatiques de l'état d'esprit des joueurs. En répondant aux provocations adverses, les joueurs font passer leur égo avant l'équipe.
Les cadres de l'épopée d'août (Aubameyang, Lacazette, Xhaka, Ceballos) ne sont que l'ombre d'eux-mêmes. Les replacements défensifs sont insuffisants, le pressing est désorganisé, les duels sont perdus. En définitive, la situation sur le terrain est le reflet de ce qui se passe en coulisses.
Les égos du vestiaire face aux choix d'Arteta
Si la série d'évènements qui a doucement amené l'effectif dans cette léthargie est longue et complexe, il est pourtant possible de la ramener à quelques points clés.
Les hostilités entre Mikel Arteta et son vestiaire commencent lors de la sélection des joueurs disponibles en Premier League et en Europa League. Deux noms sont au cœur des débats: Mezut Ozil et William Saliba.
Le premier a été mis au placard pour sa dernière année de contrat pour des raisons qui restent encore secrètes (sûrement pas la simple raison sportive évoquée). Membre de longue date du vestiaire, son éviction pure et simple n'a pas plu à une partie de ses coéquipiers, et encore moins aux fans qui demandent constamment son retour, faute de mieux au milieu de terrain.
Le deuxième, jeune central prodige revenu de son prêt à Saint-Etienne, n'est pas inscrit en Europa League, et n'a pas eu sa chance en coupe. Interrogé sur le sujet après le dernier match contre City, Mikel Arteta reste évasif et affirme “qu'il n'est pas dans l'équipe parce qu'il n'est pas dans l'équipe”. En effet, l'Espagnol affirme qu'il n'est pas prêt à démarrer, alors même que Rob Holding et Mustafi enchaînent les prestations neutres ou mauvaises, et que son coéquipier de Saint-Etienne Wesley Fofana crève l'écran à Leicester. Étrange.
Ces deux choix, qui ont divisé fans et vestiaire, sont à la source des maux du club. Statistique impressionnante : 3 victoires en 4 matchs avant l'annonce de cette liste, 1 en 10 matchs ensuite.
La Taupe…
Le deuxième problème qui est apparu quelques semaines plus tard, c'est celui de la taupe. Il y a dans le vestiaire un joueur qui donne des informations confidentielles aux journalistes. Il a notamment dévoilé l'altercation qui avait eu lieu entre David Luiz et Ceballos à l'entraînement. Interrogé sur le sujet, Mikel Arteta a été catégorique:
“Je n'aime pas le fait que cet incident ait été révélé. Je vais découvrir d'où ça vient et si c'est le cas, ça va complètement à l'encontre de ce que j'attends de l'un et de l'autre, il y aura des conséquences. Nous avons besoin d'intimité et de confidentialité.“
Insubordination, remise en question de l'autorité, la taupe en question continue à donner régulièrement des informations à la presse, créant un climat d'insécurité au sein du vestiaire.
Les “passagers clandestins”
Enfin, ce qui pose question, ce sont les compositions d'équipe d'Arteta. D'un côté, les supporters demandent à Mikel Arteta d'arrêter de privilégier des sénateurs qui ont constamment déçu le club et qui en seront bientôt partis, pour laisser leur chance aux jeunes d'Hale End, qui se montrent de plus en plus prometteurs. Parmi ces joueurs seniors, Mustafi, Kolasinac, Elneny, Willian, Holding… Ces joueurs, lorsqu'ils ne commettent pas d'erreurs flagrantes, ne prennent pas assez de responsabilités et ralentissent les matchs par leurs approximations techniques. De plus, chacun de ces joueurs pourrait être remplacé par un membre de l'équipe jeune, tant le vivier est riche (Saliba, Azeez, Nelson, Smith-Rowe, etc).
Mais de l'autre côté, ce sont ces mêmes joueurs qui ne sont pas satisfaits de leur temps de jeu, et qui refusent de n'être utilisés qu'en coupe. David Luiz n'aurait pas supporté de passer sur le banc, et ne parlerait plus à son entraîneur. Willian lui aussi n'aurait pas apprécié de ne pas être l'ailier titulaire et souhaiterait que sa situation change. Si le cas de Luiz peut faire réfléchir, Willian mérite son “traitement”, tant ses prestations sont mauvaises.
Willian had one shot on target against Fulham on the opening day, but hasn't managed a single one since.
— Orbinho (@Orbinho) December 24, 2020
Mais ce sont des cadres du vestiaire qui peuvent rendre la vie difficile à Mikel Arteta. Vouloir se débarrasser des “passagers clandestins” est la bonne habitude à adopter, mais il doit pouvoir compter sur son effectif à court terme s'il veut conserver son poste.
Pour l'heure, là n'est pas la question, la direction londonienne a fait comprendre qu'elle soutenait totalement Arteta, et qu'elle savait que le problème actuel était l'effectif, mais il doit commencer à retrouver la victoire pour conserver cette confiance.
Sur une dernière note plus positive, la majorité du vestiaire soutient encore Mikel Arteta, et comprend que ces moments de doute sont nécessaires lorsque l'on souhaite lancer un nouveau cycle. Ceux qui le soutiennent publiquement sont ceux qui enchaînent les bonnes prestations, comme Bernd Leno, après le match contre Southampton :
“Le coach est le dernier responsable de ce qui nous arrive. Les seuls responsables en ce moment ce sont les joueurs. Parfois nous marchons sur le terrain, l'attitude n'est pas bonne, nous faisons des erreurs et prenons des cartons. Nous sommes désorganisés.“