Jeudi dernier, Rennes recevait Arsenal pour un huitième de finale aller d’Europa League. En difficulté en Ligue 1, les Rennais pouvaient utiliser cette parenthèse européenne pour éclaircir leur saison, et pourquoi pas écrire une nouvelle épopée française dans la compétition. L’OL il y a deux ans mais surtout la finale marseillaise de l’année dernière, font office d’exemple, des parcours qui font vibrer le football français. Après un match admirable, les locaux l’emportent 3-1, et se mettent à fantasmer sur une qualification.
L'expérience contre la fougue
Deux heures avant le début du match, il y avait déjà foule devant le Roahzon Park, les supporters les plus fidèles attendant patiemment le bus de leurs joueurs. A leur arrivée, fumigènes et torches sont allumées, pour leur montrer que peu importe l’équipe contre laquelle ils vont devoir jouer ce soir, le stade les soutiendra. Ce ne sont pas les 3 Europa League d’Unay Emery qui vont calmer les ardeurs des supporters rennais, surtout après avoir fait tomber le Bétis Séville de Setién quelques semaines plus tôt.
Rennes est ici ce soir pour écrire une nouvelle page de son histoire, le club n’étant jamais allé aussi loin en Europe. L’ambiance est à la hauteur de l’évènement. En entrant dans le stade, on pouvait déjà entendre les tambours du RCK. Les 29 700 supporters remplissent progessivement les tribunes, et le tifo complet est déployé. Tout le monde attend un moment historique.
Et pourtant, la soirée commence mal, puisque dès la 4ème minute, Iwobi marque d’un centre-tir hasardeux, qui trouve le petit filet rennais. Si la frappe éteint le kop pendant quelques secondes, il n’en faut pas plus pour que les chants redémarrent, que les torches soient allumées et que les tambours résonnent. Les supporters ne sont pas venus aussi nombreux pour abandonner aussi tôt. Pourtant, les offensives anglaises sont de plus en plus fortes, et Koubek doit à plusieurs reprises sauver les siens du break.
Le match prend cependant une autre tournure lorsqu’à la 41ème minute, Ismaïla Sarr accélère dans la défense des Gunners, et oblige Sokratis à le retenir par le maillot pour éviter une situation dangereuse. Le Sénégalais tombe aux abords de la surface, le stade s’indigne, et l’arbitre donne à Sokratis son deuxième carton jaune de la soirée, synonyme d’expulsion immédiate et d’absence au match retour. Si l’animation défensive d’Arsenal est mauvaise depuis le début de la saison, l’amputer de son meilleur central ne va pas arranger les choses, pour le plus grand bonheur des attaquants rennais. Cette décision transforme complètement le match: Rennes n’est plus le Petit Poucet qui doit se défendre contre l’Ogre anglais, ils sont maintenant en mesure de faire basculer cette double confrontation en leur faveur, et de prendre une avance confortable avant le match retour. Mais avant de s’enflammer, il faut assurer ce match-ci. Benjamin Bourigeaud se charge de tirer ce coup-franc proche de la surface. Il tire dans le mur mais se jette pour une deuxième frappe somptueuse qui termine en pleine lucarne, et qui permet aux Rennais d’égaliser. Le stade éxulte, plus une seule personne dans le stade est encore assise sur son siège. Tous veulent se rapprocher de cet instant magique.
Des Gunners assiégés
Si la mi-temps permet aux joueurs mais aussi aux supporters de souffler, le retour des vestiaires fait émerger du tunnel une nouvelle équipe: 11 guerriers rouge et noir, prêts à se battre sur le terrain pour la fin de match la plus importante de leur carrière. Après avoir salué chaleureusement Petr Cech, qui a passé deux ans au club avant de partir outre-Manche, le kop se remet à chanter la gloire de ses joueurs. Cette fois, les rapports de force ont changés, c’est Rennes qui attaque et qui veut faire craquer Arsenal. A force d’attaquer, ils trouvent la faille à la 65ème minute, provoquant un but contre-son-camp malheureux de Nacho Monreal. Encore une fois, le stade s’embrase, les plus proches du terrain se jettent sur les barrières pour montrer leur joie, chacun dans le parcage attrape son voisin et ils crient à l’unisson leur bonheur. Les Rennais ont désormais l’avantage, et ils leur restent encore du temps pour faire mieux.
Si la prestation des locaux est globalement excellente, il faut cependant la mettre en relief avec la pâle copie que rendent les anglais. Privés d’Alexandre Lacazette, c’est Aubameyang qui occupe la pointe de l’attaque, mais ses courses en profondeur répétitives sont constamment anticipées par Mexer, qui rend une copie parfaite. La lumière vient seulement d’Iwobi, qui fait un bon match mais qui ne peut compenser le manque d’implication du reste de ses coéquipiers.
Alors que le match touche à sa fin, et que les supporters rennais sont déjà satisfaits du résultat, les locaux s’offrent une dernière contre-attaque, à la 88ème. Bensebaïni lance Léa-Siliki dans le couloir gauche, qui centre en première intention pour Sarr, esseulé au deuxième poteau. Alors que le centre flottant parait rester des heures en l’air, les chants s’arretent, les supporters retiennent leur souffle, et Ismaïla Sarr crucifie Cech d’une tête plongeante dans les filets. Pour la dernière fois de la soirée, les supporters exultent mais cette fois la pression retombe. Il n’y a plus dans le stade que joie et sentiment du devoir accompli. Face à une équipe intrinsèquement plus forte qu’eux, les joueurs ont tout donné pour offrir à leur public l’espoir d’une qualification.
Même si il faudra confirmer ce soir pour le match retour, Rennes se donne une avance non négligeable et ira à Londres avec deux buts d’avance, alors qu’Arsenal continue à accumuler les blessés et devra se passer de Sokratis, suspendu. A noter cependant le retour d’Alexandre Lacazette, dont le jeu dos au but manquait cruellement à Arsenal. Quand aux Rennais, ils ont maintenant l‘occasion d’écrire l’histoire du club, d’ajouter une page aux épopées françaises en Europa League, et pourquoi pas, d’aller chercher un trophée au bout, une preuve intemporelle de ces éphémères soirées européennes.
Crédit photo: Onze Mondial