« Quand Earl a foulé le parquet en cette date décisive de 1950, cet homme remarquable a pris place dans le mouvement historique pour les droits civiques et, plus important, il a ouvert une porte pour l'égalité en Amérique. » Brian Hemphill
Non, ce n’était certainement pas le plus grand joueur que la NBA ait connu jusqu’à présent. Non il n’a pas gagné 11 titres comme Bill Russel ou réalisé 181 triples-doubles comme Robertson dans sa carrière. Méconnue du grand publique et hors du monde du basketball, Earl Lloyd a marqué l’histoire. Pas seulement du basket mais des Etats-Unis. Mais avant d’arriver à cette date fatidique de 1950, il est nécessaire de présenter le bonhomme.
Lloyd est né le 3 avril 1928 à Alexandria, une commune de moins de 150 000 habitants de Virginie. Issu d’une famille modeste, son père travaillant dans les mines de charbons et sa mère simple mère au foyer, le petit Earl est déjà remarqué à l’école pour ses talents de basketteur. Il est nommé dans la All-South Atlantic Conference trois fois et dans la All-State Virginia Interscholastic Conference deux fois. Autrement dit les deux plus hauts championnats de basket pour son âge. Malgré le fait que ce dernier soit issu d’une école pour noir, car il ne faut pas oublier qu’on est en plein milieu de la ségrégation, Lloyd réussi à obtenir une bourse pour jouer au basket et renter à l’université West Virginia State. Durant 4 années, il va ainsi représenter les Yellow Jackets.
Il emmènera son équipe universitaire deux fois en Conference and Tournament Championships et sera nommé trois fois dans les meilleurs joueurs de sa conférence et 2 fois dans les meilleurs joueurs des Etats-Unis. Avec ses 14 points et 8 rebonds par match, son équipe sera la seule équipe non battue de l’année durant la saison 1947-1948.
Le premier joueur noir évoluant en NBA
Earl Llyod, surnommé « The Big Cat » à cause de ses 1m96 et ses 102 kilos, est drafté au 9ème tour par les Washington Capitols. Il foula ainsi les parquets pour la première fois le 31 octobre 1950, soir d’Halloween et marque à jamais l’histoire de la NBA. En effet, étant dans la grande période de la ségrégation raciale aux Etats-Unis, on assistait ce jour à l’arrivée d’un noir sur les parquets d’une ligue qui était composée à 100% de blancs. Autant dire que le symbole était très fort. C’est ainsi que le 31 octobre 1950, Llyod, premier joueur noir en NBA, scora 6 points et débuta la transformation de la National Basketball Association.
Il faut tout de même noter qu’il n’était pas le seul noir en NBA durant cette saison. En effet, le calendrier a fait que c’était lui qui a foulé les parquets en premier. Un jour plus tard, c’était Chuck Cooper qui jouait son premier match avec les Boston Celtics et pas plus tard que 3 jours après c’était Nat Clifton qui faisait son entrée avec les Knicks de New York. Trois Afro-Americains étaient ainsi engagées dans 3 équipes de basket créées 4 ans plus tôt.
Malheureusement, Lloyd n’effectuera que 7 matchs avec les Capitols de Washington. Et pour cause, l’équipe sera dissoute en janvier. Après un service effectué à l’armée, The Big Cat retournera en NBA aux côtés des Syracus Nationals avec lesquels il remportera le titre tant attendu. En 1955, après une bataille acharnée en finale contre les Detroit Pistons, les Syracus en sortent vainqueurs avec un 4-3 et un Lloyd tournant à 10,2 points et 7,7 rebonds par match.
Une vie professionnelle belle mais compliquée
Lloyd a eu une belle carrière de basketteur, qui s’est terminée au côté des Pistons en 1960. En joua ainsi 560 matchs en marquant 4 682 points, avec une moyenne de 8,4 points et 6,4 rebonds par match. Mais ces dix années n’ont pas été de tout repos pour ce dernier. En effet, il a été victime de beaucoup de racisme de la part des fans mais aussi des autres joueurs, et staff de la ligue. Selon ce dernier, on lui aurait refusé de nombreux services auxquels les autres joueurs avaient le droit. Un fan d’Indiana lui aurait même craché dessus en arrivant sur le terrain. Mais Lloyd étant un homme courageux, qui savaient que s’il abandonnait il laissait tomber toute sa communauté, a persévéré jusqu’au bout pour changer les choses. Comme il l’a dit si bien, « en 1950, le basketball était comme un bébé dans les bois ; il ne jouissait pas de la notoriété dont il jouit aujourd’hui ».
Sa persévérance a payé. En effet, c’est ce dernier qui a ouvert les portes de la National Basketball Association aux plus grands basketteurs de l’histoire tel que Michael Jordan, Bill Russel, Oscar Robertson ou encore Kobe Bryant. Vous l’aurez bien compris, ce ne sont non seulement ces joueurs qui doivent le remercier mais aussi nous, fan de la balle orange, pour les magnifiques rencontrent que l’on peut regarder aujourd’hui.
Le monde du basketball l’a quant à lui remercié aussi. En 2003, il a été introduit au Naismith Memorial Basketball Hall of Fame, qui a la consécration pour un joueur de basket, l’ultime nomination des légendes. La Virginie quant à elle l’a aussi introduit dans son Virginia Sports Hall of Fame en 1993.
Alors, pourquoi je vous parle de ce monsieur ? Tout simplement parce que j’estime qu’on oublie souvent grâce à qui on en est là, à qui l'on doit notre présent. L’histoire ne se fait pas toute seule, ce sont les hommes qui l’écrivent et Earl Lloyd fait partie de ces hommes. Si le basketball est devenu un lieu de communion, un lieu faisant disparaitre les ethnies, les religions, et toutes les autres distinctions sociales, c’est en partie grâce à cet homme. Et comme j’aime ses citations, j’aimerai finir cet article par une phrase qu’il a dit et qui a beaucoup de sens à mes yeux : « tu peux faire des choses étonnantes quand les gens t’aiment ».
Kenan ZOLIC