Cet été, WeSportFR vous propose de mêler plaisir du sport et plaisir de la réflexion avec une série d'articles « Penser le sport. » Aujourd'hui, intéressons nous à l'homosexualité dans le sport. Lequel est indubitablement l'un des milieux les plus intolérants sur la question. Éléments d'explications.
L’homosexualité

L'amour est souvent et succinctement défini comme l'indicible affection qui unit deux êtres. Deux êtres qui, pour d'absurdes et complexes raisons, doivent au regard d’aucuns être du sexe opposé. Un principe qui se présenta longtemps comme une absolue évidence dans l'imaginaire humain. Jusqu'à ce que celui décide de réfléchir indépendamment des normes entretenues par une société dont l'abrutissement, en partie lié à la suprématie religieuse, a entravé l'avènement d'une profonde réflexion philosophique sur le sens même de l'existence humaine. La généralisation du savoir notamment dans les sociétés occidentales conduisit l'humain à revoir sa position sur l'homosexualité. De la dés-animalisation de celle-ci au XXème siècle à la propagation du mariage et de l'adoption pour tous à l'aube du second millénaire, les mentalités ont effectivement changé. L'homosexualité qui jadis n'était que barbarisme, sorcellerie et pédophilie est désormais globalement tolérée.
Mais pourquoi tolérer ce qui fondamentalement ne devrait pas à l'être ? Pourquoi écrire un article sur l'homosexualité dans le sport et non sur l'hétérosexualité ? Car force est de constater que la normalisation de l'homosexualité n'est pas encore effective. Alors que celle-ci devrait être vue comme une simple et futile caractéristique chez un individu, aussi peu conséquent que sa couleur de cheveux ou sa taille, elle suscite perpétuellement des débats philosophiques, politiques et religieux. C'est ceux-là même qui rendent anormal la normalité. Mais puisque le journalisme n'est que le miroir de la société, nous allons nous aussi statuer sur un sujet qui n'a même pas lieu d'être traité. We Sport FR vous propose donc de se pencher sur la question de l'homosexualité dans le sport. L'un des trop nombreux domaines où le chemin vers la banalisation de l’homosexualité est particulièrement ardu. Éclaircissements.
L'homosexualité dans le sport

L'indéniable association du sport à la masculinité, la virilité et hétérosexualité facilite l'incongruité de la présence d'homosexuels dans celui-ci. Mais pourquoi donc cette vision crispée du sport ? Pour comprendre, il faut nécessairement remonter à l'Antiquité. Dans laquelle un homme, prédisposé à faire la guerre, ne pouvait être doux et apprêté. Et pour cause, Héraclès, qui dans la mythologie grecque est considéré comme le restaurateur des Jeux, est constamment représenté comme un être imbu de virilité. La question du rapport au corps et à la séduction dans le sport est ainsi posée : les athlètes se mirent, se jaugent, s'observent, le corps représente un objet de performance.
Cette vision du sport entre en contradiction avec celle que la société se fait souvent faussement des homosexuels, celle de personnes relativement peu courageuses, discrètes, déviantes, faibles et forcément efféminées. Ils sont donc résolument dé-masculinisés et présentés comme incapables de rivaliser avec “les vrais mâles.”. Or, pour des raisons historiques que nous venons d'éluder, le sport fut pendant longtemps considéré comme “un truc d'hommes.” Ce qui explique dans l'Histoire le rejet des femmes de celui-ci.
Dans le sport, et particulièrement dans les disciplines collectives masculines comme le football, l'homosexualité représente une figure efféminée à laquelle il ne faut pas ressembler. Rares sont les personnes parmi les dirigeants, les formateurs et l'encadrement d'un club à remettre publiquement en cause cette idée. En résulte les insultes liées à l'homosexualité, continuellement privilégiées pour dénigrer l'adversaire. Le répertoire dans les tribunes ne manque pas. Les quelques pédé, lavette, chochotte, ou tarlouze, préférés à de simples et non-discriminants connard, sale con, etc… La réalité réside dans le fait suivant : ces supporters n'osent que rarement proférer des insultes à caractère raciste et sexiste. Car les réactions sont de fait plus intenses et consternées.
Des exemples saisissants

Prenons désormais un exemple concret, en la personne du footballeur Justin Fashanu (voir image), premier joueur professionnel à “dévoiler” officiellement son homosexualité. C'était en 1990, alors que l'attaquant anglais évoluait à Nottingham. Son entraîneur le prive alors d'entraînement commun. L'incessant déferlement de moqueries et de réactions violentes auquel il doit faire face le contraint à quitter le club. Lorsqu'il met fin à sa carrière en 1997, il pense que la haine laissera place à la paix. Mais un adolescent l'accuse alors d'agressions sexuelles. La justice ne donne pas suite à ces accusations. La seule chose dont Justin est coupable pour l'opinion publique, c'est manifestement d'être homosexuel. Conscient de l'inaliénabilité de cette oppression, c'est dans la mort que Fashanu rencontre la concorde. Coupable d'être lui-même, ils se pend à l'âge de 37 ans.
Le football n'est évidemment pas la seule discipline victime de cette intolérance. L'écrivain Michel Royer affirme que “l'homophobie dans le Rugby est beaucoup moins affichée et se caractérise surtout par un refus de la voir, d'en parler, de l'accepter.” Peut-être les Rugbyman craignent-ils que certains de leurs gestes soient pris pour des signes d'homosexualité ? Quoi de plus gay en effet qu'une mêlée, où plusieurs corps d'hommes s'unissent pour ne ne former plus qu'un ? Dans les sports de combat, le préjugé de l'homosexuel chochotte est également de mise. Pourtant, dans les années 30, 20 titres de champion du monde revinrent au boxeur panaméen homosexuel Al Borwn. Un tabou ubiquiste, présent à tous les échelons.
Alors, que faire ?

Nous ne l'avons pas évoqué en profondeur ici, mais la situation est légèrement différente dans le sport féminin. Une question d'ouverture d'esprit accrue qui facilite de surcroit l'acceptation de l'homosexualité. Lequel représente toute fois, là aussi, un tabou. Ainsi, l'ex-sélectionneuse de l'équipe féminine du Nigéria déclara en 2011 à la presse : “Les lesbiennes dans notre équipe étaient vraiment un gros problème […] mais depuis que je suis sélectionneuse, le problème est réglé. Je ne peux pas tolérer ce mode de vie sale.” L'écho de ces ultimes paroles résonnent encore tels d’assourdissants coups de parabellum dans l'esprit des défenseurs des droits de l'Homme. Des termes bouffis d'aversion, naturellement condamnés par la FIFA.
Alors que faire pour remédier à cela ? Il est certain que les choses transmueraient si un jour, un sportif adulé révélait au grand jour son homosexualité. Imaginez donc LeBron James, Rafael Nadal ou Lionel Messi dévoiler ouvertement qu'il est gay. En attendant, la meilleure solution reste la défense des droits LGBTQI+ par les personnalités sportives les plus influentes. Or, peu d'entre elles ont le courage de le faire avec la même abnégation que la lutte anti-raciste ou anti-sexisme. Si les footballeurs défendaient avec d'avantage d'opiniâtreté ceux des leurs qui révèlent leur homosexualité, tout en affirmant explicitement que celle-ci est parfaitement normale à leurs yeux, alors la situation dans l'ensemble de la discipline transmuerait-elle probablement. Et les comming-out émaneraient d’avantage communément. Or, Olivier Rouyer (ex-ailier de l’Equipe de France) est à ce jour l’unique joueur professionnel français à l´avoir effectué.
Conclusion

Outre la question des valeurs inculquées lors de l'éducation, la solution est également d'en parler avec désinvolture. De nombreuses œuvres traitent avec brio et efficacité du sujet. Nous en avons sélectionné une pour vous : le film dramatique suisse Mario (voir image.) Réalisé par Marcel Gisler, il raconte l'histoire d'un footballeur allemand tombant amoureux d'un attaquant suisse, Mario. La carrière professionnelle de celui-ci menacée, ses coéquipiers peinant à accepter son orientation sexuelle. Une œuvre que la rédaction de WeSportsFR a globalement appréciée. Malgré l’aspect un tantinet mièvre du scénario, de la narration et de la mise-en scène, il n'en n'est pas moins un film attrayant et salutaire. Un petit plus pour les images de matchs et d'entraînements qui pour une fois sont rudement et admirablement filmées.
Sur fond d'histoire, de sociologie et de mœurs, l'homosexualité n'est pas encore universellement tolérée dans le milieu sportif. Et si le sport n'était que le miroir exacerbé d'une vision en réalité défendue par la société toute entière ? Une chose est certaine. Lorsque l'évidente banalité de cet élément s'imposera à tous, les débats sur le sujet cesseront. L'inutilité d'affirmer publiquement une caractéristique aussi marginale que l'orientation sexuelle, fera alors périr l'absurde principe du comming-out. Et les journalistes n'écriront plus, dans la veine et impuissante tentative d'y changer quelque chose, des articles sur l'acceptation de l'homosexualité. Convaincus de la puissance des mots, c'est cependant avec humblesse, simplicité et sincérité que nous avons tenté de la faire. Car comme disait Nietzsche, “les vérités tues deviennent vénéneuses.”
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