Serena Williams s'est sévèrement accrochée ce dimanche durant la finale de l'US Open avec l'arbitre Portugais Carlos Ramos. L'Américaine s'est violemment plainte d'avertissements à répétition jusqu'à en oublier de jouer l'ultime match de la quinzaine américaine. Récit d'une escalade médiatique ubuesque et sans précédent, pourtant parti d'un simple avertissement.

Tout part d'un coaching jugé illicite de Patrick Mouratoglou à 6/2 1/0 40/15. Le Français fait des signes de la main en direction de sa joueuse, signes que sa joueuse n'a pas vu, à en croire les images. Cela a attiré l'oeil de Carlos Ramos, qui s'est chargé d'avertir l'Américaine. L'échange est viril mais correct : “Vous pensiez que je me faisais coacher, mais je vous le dis : je ne triche pas, je préfère encore perdre.” Le match reprend, Serena breake à 2/6 1/2 sa jeune adversaire, Naomi Osaka, 20 ans, produisant jusque là un tennis d'une qualité exceptionnelle. Mais cette dernière recolle au score le jeu suivant, infligeant 3 jeux de suite à son idole. Folle de rage et incapable de passer outre cet incident, S.Williams casse sa raquette et s'en va se plaindre à plusieurs reprises à l'arbitre de chaise durant le changement de coté. Las d'avoir entendu les injonctions de la joueuse de 36 ans, où cette dernière ira jusqu'à le traiter de “menteur” et de “voleur”, le Portugais inflige un jeu de pénalité à 2/6 3/4, laissant le soin à la Japonaise de conclure le match sur son service. La colère ne fut que plus grande pour S.Williams, qui appelle de suite le superviseur pour donner son point de vue sur la situation. Le tout, sous les huées du public américain, venu en nombre. Rien n'y fait : la joueuse poursuit le match en remportant son service à 5/4 puis en perdant le jeu suivant, permettant à Naomi Osaka de soulever son premier trophée du Grand Chelem à Flushing Meadows.

Serena Williams invective Carlos Ramos durant la finale de l'US Open. ©Skynews US

Après le match, l'escalade médiatique et la récupération politique

On aurait pu penser que les esprits s'étaient refroidis après le match, malgré un discours élogieux de S.Williams adressé à la vainqueure 2018 de l'US Open, mais il n'en a été nullement question en coulisses. Au contraire, lors de la conférence de presse d'après-match, La cadette des sœurs Williams a avoué s’être sentie “humiliée” et a parlé d'injustice en invoquant ses combats auxiliaires, notamment celui pour l'égalité des droits des femmes : “J'ai vu des hommes dire à d'autres arbitres plusieurs choses, et […] pour moi, dire “voleur” et qu'il me prenne un jeu, ça m'a donné l'impression que c'était une remarque sexiste. Il n'a jamais pris le jeu d'un homme parce qu'il a dit “voleur”.“. Un non-sens total, un déplacement du débat complètement hors-sujet et un manque de respect chronique envers la performance de son adversaire. Cette histoire a médiatiquement vampirisé la victoire et le premier gros titre en carrière de Naomi Osaka, qui s'est presque “excusée d'avoir remporté ce match”. Les photos de la nouvelle tenante du titre sont presque passé inaperçues face au tourbillon médiatique qu'a suscité cette altercation entre S.Williams et l'arbitre. La WTA a apporté son soutien à S.Williams via un communiqué de presse émis au lendemain de la finale. En France, symbole de cette envolée médiatique, Marlène Schiappa, la Secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, a posté sur son compte Twitter une photo sans légende distinguant S.Williams pointer Carlos Ramos du doigt avec véhémence.

Comment peut-on se tromper de combat à ce point ?

Chaque rencontre à enjeu travaille plus ou moins les nerfs de chaque joueur, et il est évident que lors de ce match, Serena était dans un état de nervosité conséquent. Jouer pour un 24ème titre du Grand Chelem en carrière représente un enjeu exceptionnel, encore plus quand la chance se présente sur ses propres terres. Si un rien peut faire sortir un joueur d'une rencontre, il faut savoir maîtriser ses nerfs et se replonger dans son match. Ce différend avec Carlos Ramos ne justifie en rien un tel comportement sur le court, surtout quand l'arbitre est dans son droit : 3 avertissements de suite, et c'est la sanction. Patrick Mouratoglou l'a avoué quelques minutes après le match : oui, il a vraiment coaché Serena, ce qui est interdit, même si d'autres coachs le font aussi. Mais surtout, comment peut-on laisser penser que se faire injurier sur le court doit rester impuni ? Comment peut-on invoquer un sujet aussi sensible que la lutte contre le sexisme sur un tel litige ? Une telle lutte mérite quand même largement plus de crédibilité que S.Williams qui essaye de faire passer sa perte de contrôle du match pour une injustice sexiste. A la limite du grotesque. Rare preuve de bon sens au milieu de ce marasme général, l'ITF s'est rangé du coté de Carlos Ramos, le félicitant d'avoir agi “avec professionnalisme et intégrité”.

Les hommes, aussi, se font (lourdement) sanctionner

En creusant la question, on peut trouver des lourdes sanctions appliquées aux homologues masculins : Fabio Fognini a été exclu 1 an + 1 an avec sursis de l'US Open pour avoir tenu des propos insultants et sexistes à l'encontre de la juge arbitre de son match. Viktor Troicki a payé cher son extraordinaire crise de nerfs contre l'arbitre à Wimbledon en 2016. Nick Kyrgios a été sévèrement puni pour ses paroles graveleuses lors de son match contre Stan Wawrinka à Montréal en 2015. Benoit Paire a même pris une amende cette saison après son 1/4 de finale contre Roger Federer à Halle alors qu'il n'avait … rien fait d'anormal ce jour-là ! On a compté 23 avertissements donnés chez les messieurs, contre 7 seulement, chez les dames, durant cet US Open 2018. Alors que doit-on faire après un tel vacarme ? Bannir purement et simplement le coaching sur tous les tournois ? Ou pleinement l'autoriser ? La question brûle actuellement les lèvres des passionnés.

Injustice et excès de zèle de l'arbitre pour certains, réaction exemplaire et débordement inacceptable pour d'autres, quoiqu'il en soit, cette scène de contestation véhémente lors de cette finale n'a pas fini de faire parler. Mais une chose reste certaine : peu importe les joueurs et les joueuses, chambouler aussi longtemps le contexte d'une telle rencontre est en soi un immense manque de respect à l'adversaire, mais aussi aux spectateurs. Surtout quand, au final, le règlement est appliqué à la lettre. “Serena, you owe ALL OF US an apology.”

Naomi Osaka soulève le trophée à Flushing Meadows.