Après onze mois fournis en évènements sportifs, notamment à cause du report de nombreuses compétitions qui devaient avoir lieu l’an passé, le mois de décembre conclut un cru 2021 encore riche en émotions. De la septième bague de Tom Brady au titre de champion du monde de Fabio Quartararo en Moto GP, en passant par les Jeux olympiques et paralympiques, We Sport revient sur 30 moments marquants qui ont rythmé l’année civile. Aujourd’hui, retour sur la médaille d’or de Charles-Antoine Kouakou sur le 400 m T20 masculin, la première de l’histoire du sport adapté français.
Une catégorie lésée
Depuis son introduction aux Jeux paralympiques d’Atlanta en 1996, la catégorie T20 – réservée aux athlètes avec un handicap cognitif – est loin d’être celle ayant été le plus mis en avant. Ouverte sur seulement trois disciplines, la para natation, le para tennis de table et le para athlétisme, elle ne concerne qu’un nombre très réduit d’athlètes et groupe tout une forme de handicap sous une seule et même dénomination. De fait, et comme regretté par certains membres des instances dirigeantes du sport adapté français, cela ne permet qu’aux plus autonomes de participer, mettant à la marge d’autres athlètes. Si c’est le cas dans de nombreuses épreuves des para olympiades à cause d’un jeu de classification complexe pour les organisateurs, cela est particulièrement vrai pour le sport adapté qui a déjà été éclipsé des Jeux au début du millénaire.
En effet, suite à une polémique autour de la victoire de l’équipe d’Espagne de basketball sport adapté en 2000 à Sydney, qui avait aligné dix joueurs considérés comme valides dans son équipe, les T20 ont été exclus des Jeux paralympiques d’Athènes (2004) puis de Pékin (2008), le CIP (Comité International Paralympique) jugeant qu’il était trop difficile de juger le niveau de handicap d’athlètes en situation de handicap cognitif. Finalement réintégrés à Londres en 2012, le sport adapté reste assez sous-représenté, comme le montre par exemple sa non-présence lors des Jeux paralympiques d’hiver de Pékin 2022, qui auront lieu dans quelques semaines. En revanche présent à Tokyo dans les trois sports cités précédemment, le sport adapté avait une petite occasion de plaider sa cause, avec un nombre « record » de 21 titres (sur 539) à décerner sur le sol nippon.
Un doublé en para tennis de table
Côté français, ils étaient six à venir représenter le sport adapté tricolore en terres japonaises : Lucas Créange et Léa Ferney (para tennis de table), Nathan Maillet (para natation), Gloria Agblemagnon, Charles-Antoine Kouakou et Gaël Geffroy (para athlétisme). Une petite délégation qui représentait 5 % des athlètes T20 à Tokyo, mais qui avait tout pour marquer l’histoire du sport adapté français. Avec des engagés dans les trois disciplines, une grande première dans son histoire, la France pouvait se permettre de rêver à plusieurs médailles. Un rêve qui va rapidement devenir réalité.
La première lueur va venir du para tennis de table, où Lucas Créange et Léa Ferney vont tous les deux réaliser un parcours sensationnel pour aller décrocher une médaille. Impressionnant de maîtrise et de facilité dans le tableau masculin, le Troyen, qui participait à ses deuxièmes Jeux paralympiques après son quart de finale à Rio, a enchaîné les performances de haute volée. Plutôt facile en début de compétition face aux têtes de série n°5 et n°6, il se qualifiera assez tranquillement en demi-finales où il livrera un match d’anthologie face au Hongrois Peter Palos, futur champion olympique. Faisant plus que résister, Lucas Créange aura même quatre balles de match, mais finira par s’incliner au bout du suspens. Une défaite au goût amer, un sentiment toutefois effacé par une médaille de bronze largement méritée.
Dans le tableau féminin, la surprise fut encore plus grande pour le clan français avec l’excellent parcours de Léa Ferney. Benjamine de la délégation, elle ne cessera d’impressionner pour ses premières para olympiades. Issue du tournoi de qualification paralympique et par conséquent tête de série la plus basse, elle réussit à termine première de son groupe en remportant deux de ses trois rencontres, sécurisant sa place en demi-finale mais aussi une place sur le podium. Visiblement pas rassasiée, la Dijonnaise fit ensuite tomber la Japonaise Maki Ito, se qualifiant pour la finale de se catégorie. Si la marche sera trop haute face à la Russe Elena Prokofeva, Léa Ferney, 17 ans, quitte tout de même Tokyo avec l’argent autour du cou, devenant au passage la première athlète féminine médaillée dans l’histoire du sport adapté français.
Kouakou roi du tour de piste
Après les satisfactions du para tennis de table, les Jeux paralympiques du sport adapté français avaient tout pour d’ores et déjà être considérés comme réussis. Pourtant, Charles-Antoine Kouakou va les rendre encore plus historique. Engagé sur le 400 m T20 masculin, le Drancéen va monter en puissance au fur et à mesure de la compétition jusqu’à atteindre l’Olympe. Rapide en séries (48.85, 3e temps des qualifications), celui qui vient de distances plus courtes et n’a que récemment fait la transition vers le tour de piste ressent tout de suite qu’il a de bonnes sensations et est en capacité de frapper un grand coup. « À l’occasion des séries, il se sentait bien, c’est même lui qui me rassurait en me disant qu’il n’était pas fatigué Confiant en ses capacités, il nous a même affirmer qu’il allait ramener l’or » raconte son entraîneur Vincent Clarico. Une confiance qui se traduira dès le lendemain, jour de la finale, sur le tartan.
« Quand il est arrivé sur la ligne de départ, il émanait de lui beaucoup d’assurance, poursuit Vincent Clarico pour la FFSA*. Il savait pourquoi il était là et avait le sentiment que c’était son heure maintenant et tout de suite ». Et, en effet, le sentiment ressenti par Charles-Antoine Kouakou s’avérera juste moins de cinquante secondes plus tard. Placé au couloir 7, le Français ne prend pourtant pas le meilleur départ. Rapidement repris par le Vénézuélien Luis Felipe Rodriguez Bolivar, auteur d’un départ canon, il ne vire même qu’en troisième position à l’entrée de la dernière ligne droite, dépassé également par l’Espagnol Deliber Rodriguez Ramirez qui l’avait déjà battu en séries. Pourtant, Kouakou ne panique pas et va réaliser un dernier 100 m explosif. Extrêmement fort sur la fin du tour de piste, il remonte ses deux concurrents pour se porter en tête et venir casser la ligne à la première position. Grandiose.
Supersonique dans les derniers mètres, Charles-Antoine Kouakou boucle son tour de piste dans un temps impressionnant de 47.63, nouveau record d’Europe de la catégorie. Une performance inattendu pour un athlète dont le plan était plus d’atteindre ces résultats à Paris en 2024. Sacré, le Français devient par la même occasion le premier athlète du sport adapté tricolore à remporter une médaille d’or, complétant le palmarès éloquent d’une fédération qui aura donc vu trois de ses six athlètes remporter une médaille. Historique.
* FFSA = Fédération Française de Sport adapté
Souvent lésé, le sport adapté français a vécu des para olympiades historiques en remportant trois médailles, dont une en or grâce à Charles-Antoine Kouakou. Des Jeux paralympiques qui feront date et resteront assurément dans les mémoires. Rendez-vous tout à l’heure pour la suite de notre série avec un retour qui a émerveillé la planète catch, celui de CM Punk à la All-Elite Wrestling.
Crédit image en une : T. Nguyen / CPSF