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NBA – Le Débat de la semaine : pourquoi Rudy Gobert serait-il mal soutenu par les fans français ?

Si le All-Star Game est l’occasion pour les fans de récompenser leurs joueurs préférés en leur offrant une sélection dans le match des étoiles, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. En effet, si certains joueurs comme Klay Thompson (blessé cette saison) récoltent un nombre de voix hallucinant, d’autres se plaignent d’un manque de soutien. En s’étant récemment exprimé à ce sujet, Rudy Gobert aurait mis en avant un réel manque d’aide de la part des fans français pour l’aider à rejoindre les rangs étoilés. Caprice de star ou mal profond ? Tentative d’analyse.

NB : Les explications données ci-après sont principalement énoncées au conditionnel car elles relèvent de suppositions et ne s’appuient pas sur des faits vérifiés. Le point de vue exposé est subjectif et peut tout à fait être remis en cause.

Le nombre ne fait pas la force

Parfois, être le seul grand sportif de son pays dans une discipline a du bon. Si on dit souvent que le nombre fait la force, ce n’est pas forcément le cas dans le votes du All-Star Game. Si l’on prend l’exemple d’une franchise comme les Lakers, l’association LeBron James/Anthony Davis répartit un certain nombre de voix entre les deux joueurs qui auraient sûrement un total plus élevé s’ils jouaient chacun dans une franchise différente. Si la comparaison entre les fans d’une franchise NBA et les fans venant d’un pays est assez approximative, on peut tout de même rapporter cette idée à la France. Avec des nombreux joueurs français évoluant en NBA, chacun ne se retrouve pas dans les mêmes superstars françaises et se reconnaissent peut-être plus en Evan Fournier ou Nicolas Batum qu’en Rudy Gobert. Oui, un vote pour le All-Star Game laisse finalement la place pour insérer toutes ces personnes dans une sélection, mais les fans sont potentiellement moins enclins à faire plusieurs « sacrifices » en remplaçant une de leurs idoles (voire plus bas) par un joueur venant de leurs pays.

Si la France est un pays de basket, la pluralité des acteurs incarnant ce sport outre-Atlantique peut donc influer sur leur popularité qui, a posteriori, déteint également sur les résultats des votes pour le All-Star Game. Par ailleurs, une autre raison potentiellement à même d’expliquer le nombre relativement faible de votes pour les joueurs français dans ce genre d’évènement serait la fierté nationale moindre d’avoir des joueurs de haut calibre en NBA. Déjà lorsque Tony Parker évoluait dans le monde professionnel américain, son aura ne lui permettait pas de truster les premières places du classement chaque année. En revanche, ce fut le cas dans d’autres pays où certains joueurs furent de véritables héros national. En Géorgie, Zaza Pachulia est une icône qui déchaîne les passions qui profita du sentiment national dans son pays pour s’inviter dans les premières positions des votes All-Star. Avant lui, Yao Ming avait profité de l’engouement en Chine pour terminer en tête des votes lors de plusieurs saisons. Si cela relève plus de l’identité nationale que de la passion pour un joueur, cela reste des facteurs déterminants dans l’élection d’un joueur étranger en NBA.

Le Jazz en manque de glamour

Lorsque les fans européens – sans faire de mauvaises généralités – s’intéressent à la NBA pour la première fois, leurs regards sont souvent tournés vers les franchises historiques ou actuellement en très grande forme. Aujourd’hui, il est ainsi courant que de jeunes fans choisissent ainsi de se focaliser sur les Lakers, les Warriors, les Bulls ou plus récemment les Nets ou les Clippers. Gros marché ou franchise historiquement populaire en Europe, le Jazz d’Utah ne semble cocher aucune de ces cases.

Franchise récemment performante (qualifiée en playoffs lors des quatre dernières saisons) et avec un passé glorieux dans les années 80 puis 90, époque de John Stockton et Karl Malone, le Jazz (et donc Rudy Gobert) ne cristallise pourtant pas vraiment l’attention du côté orientale de l’Atlantique. Une des raisons qui pourrait expliquer ce manque relatif d’intérêt autour de la franchise est le style de jeu prôné par Quinn Snyder. Avec un collectif basé sur la défense et une attaque plus efficace que spectaculaire, Utah ne fait pas rêver le grand public. Si les choses changent peu à peu, notamment grâce aux excellentes performances de la franchise dernièrement, le Jazz est trop peu souvent mis en lumière. Petit marché, style de jeu défensif et manque d’exposition, voici un triptyque qui dessert malheureusement la cause du Jazz et, par conséquent, de Rudy Gobert auprès de certains fans en Hexagone.

Un style de jeu anti-grand public

L’équipe est une chose, le joueur en est une autre. Si Rudy Gobert est un joueur reconnu par ses pairs, plusieurs facteurs pourraient expliquer le manque de soutien des fans qu’il a récemment mis en avant. Tout d’abord, Rudy Gobert évolué au poste de pivot, une position dont les qualités et le travail sont souvent moins mises en avant qu’à d’autres positions. Il est en effet plus courant de voir un meneur ou un ailier être choisi lorsqu’une discussion s’intéresse au joueur préféré d’une personne, ce qui reflète également la construction actuelle des franchises NBA. En effet, il est aujourd’hui moins courant de voir une franchise se construire autour d’un pivot, position qui a énormément évoluée ces dernières années. Une évolution qui pourrait, encore une fois, desservir la cause de Rudy Gobert.

Dans une époque où le basketball moderne se tourne vers le tir à 3pts et l’écartement maximale du jeu, Rudy Gobert est – presque – un ovni. Réputé pour ses qualités défensives (double défenseur de l’année) et non pour ses dons au shoot, il est à l’opposé des pivots modernes qui fleurissent actuellement en NBA. Si sa différence fait aussi sa force et en fait un joueur craint et respecté, force est de constater que cela le bloque dans un style de jeu presque anti-spectacle. Pour le grand public, un cassage de cheville, un dunk ou un tir longue-distance sont plus spectaculaires qu’un contre ou une pause d’écran, deux domaines dans lesquels Rudy Gobert excelle. Longtemps considéré comme un travailleur de l’ombre, le natif de Saint-Quentin est aujourd’hui reconnu à sa juste valeur par les spécialistes, mais il y a encore une marche avant qu’il le soit totalement par le grand public, notamment en Métropole.

Idoles surpassent français ?

Du constat précédent peut également découler une autre idée. Avec un style de jeu qui n’est pas showtime, Rudy Gobert ne s’est pas (encore) imposé comme le joueur préféré en NBA des fans français. Ainsi, il possède de nombreux soutiens (voir ci-après) mais certains fans sont encore réticent à, par exemple, « sacrifier » une place dans leur sélection All-Star pour y faire rentrer Rudy Gobert. Sur les places du frontcourt à l’Ouest, des joueurs comme LeBron James, Anthony Davis ou Paul George font ainsi peut-être plus briller les yeux de certains fans. S’il ne faut pas généraliser, une frange des fans NBA pense peut-être que la place qu’occupe Rudy Gobert dans leur cœur n’est pas suffisante pour déloger une superstar américaine.

Si Rudy Gobert est apprécié et connu du grand public en France, il ne possède pas encore la même aura qu’un certain Tony Parker. Véritable idole et symbole du basketball tricolore, TP mettait tous les fans français d’accord. Son impact était tel qu’aujourd’hui, toute une génération est fan des Spurs de San Antonio grâce à Tony Parker. Si Rudy Gobert a déjà tout pour devenir et est peut-être même déjà) le nouveau fer de lance du basket français en NBA, il n’a pas encore réussi à convertir la France au Jazz et donc à rallier tout le monde à sa cause.

Vers une prise de conscience progressive ?

Vous l’aurez compris, Rudy Gobert est un joueur exceptionnel mais qui n’est peut-être pas encore reconnu à sa juste valeur dans son pays d’origine. Pourtant, malgré tout ce qui a été exposé auparavant, quelques motifs d’espoir existent et les choses sont déjà en train d’évoluer. Parmi les autres sportifs français, une cause Rudy Gobert s’est déjà créée. Ainsi, au moment des votes pour le All-Star Game, Teddy Riner ou encore Antoine Griezmann avaient affiché leur soutien au pivot d’Utah. Au-delà du monde sportif, d’autres célébrités comme Omar Sy l’avait également soutenu. La création d’un effet de groupe qui ne peut qu’être bénéfique.

Autre point positif dans l’évolution de la perception de Rudy Gobert par les français, ses performances avec les Bleus. Pièce maîtresse de l’Équipe de France avec Evan Fournier notamment, le pivot a été radieux lors de la précédente Coupe du Monde. Avec de telles performances de la star de l’équipe dans un collectif qui gagne, les fans nationaux sont évidemment conquis par les joueurs. Ainsi, une nouvelle étape décisive dans l’élan de soutien autour de Rudy Gobert pourrait intervenir lors des prochains Jeux Olympiques. Avec une Équipe de France capable d’aller loin dans la compétition, le pays s’intéressera plus aux joueurs qui en feront partie et Rudy Gobert sera peut-être enfin soutenu comme Tony Parker l’était lorsque ce dernier jouait encore.

Meilleur joueur français à l’heure actuelle en NBA, Rudy Gobert n’aura donc pas bénéficié de suffisamment d’aide des fans pour s’inviter dans la lutte pour les places de titulaire. S’il pourrait tout de même être retenu parmi les remplaçants, espérons pour lui qu’il obtienne mieux qu’une douzième place sur son groupe de position au vote des fans l’an prochain.

Crédits Image en Une : Getty Images

Les mots "Minnesota Miracle" et "No-Call" sont rayés de mon vocabulaire. Mon cœur pleure la retraite de Drew Brees.

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