L’an dernier encore, New York enchaînait une nouvelle saison morose, loin des playoffs et des ambitions d’une franchise historique de la ligue. Toutefois, l’arrivée de Tom Thibodeau sur le banc cette année semble avoir tout changé. Victoires, respect, engouement et mentalité, tout est différent dans la Big Apple et les Knicks ne sont plus la risée de la ligue. Que s’est-il passé et qu’a modifié l’arrivée du nouveau coaching staff à New York ? Tentative de réponse et d’analyse.
Un changement de culture radical
La première chose frappante avec ces Knicks nouvelle génération, c’est la différence de culture avec les années précédentes. Sous David Fizdale ou auparavant Jeff Hornacek, New York n’avait pas cette envie de gagner, cette hargne qui caractérise une équipe qui joue avec le cœur et se donne à fond sur le terrain. Avec Tom Thibodeau, c’est tout l’inverse. Sur le parquet, les Knicks font les efforts nécessaires pendant quarante-huit minutes, mettent de l’intensité et font tout leur possible pour gêner l’adversaire.
Point caractéristique de cette nouvelle façon d’aborder le jeu : la défense. Élément crucial pour le coach, défendre est devenu la caractéristique principale des Knicks cette saison. Défense, défense, défense : ce mot est sur les lèvres de toutes les équipes qui s’apprêtent à croiser le fer avec la franchise de Manhattan, car chacune sait qu’il sera difficile d’imposer sa loi au Madison Square Garden. Un retour au véritable ADN de la franchise, celui des années 90, avec une défense de fer qui intimidait toute la conférence Est.

La culture et les mentalités ont changé sur le parquet, mais aussi en dehors. Sous Tom Thibodeau, les joueurs sont devenus de vrais gym junkies, n’hésitant pas à passer des heures au gymnase pour perfectionner leur jeu et plus particulièrement leur tir. Symbole de ces heures passées à répéter les shoots dans les salles new-yorkaises, la hausse du pourcentage à trois points de plusieurs joueurs et de l’équipe. Moyen à longue distance lors de son année rookie (32 %), R.J. Barrett a considérablement amélioré son pourcentage cette saison (38.6 %) et shoote même à plus de cinquante pourcents sur les treize derniers matchs qu’il a disputé (51.5 %). Ses séances nocturnes avec Immanuel Quickley et l’assistant coach Darren Erman portent leurs fruits, et le Canadien en raffole : « Tout le monde travaille. Nous somme une équipe, nous sommes toujours au gymnase et cela se voit en match sur le parquet » déclarait-il récemment au New York Post.
Collectivement, ce pourcentage derrière l’arc a également connu une embellie. Vingt-septième l’an dernier (33.7 %), New York est actuellement sixième de la ligue (38.3 %) avec six joueurs au-dessus des trente-six pourcents de réussite. Le tout en affichant la troisième plus faible moyenne de tirs primés tentés par match, preuve qu’il n’est pas obligatoire d’abuser de cette arme pour être redoutable dans ce domaine. Si la COVID-19 a sûrement aidé – ou forcé – les joueurs à se concentrer sur le basket en dehors du terrain (il est presque impossible pour les joueurs NBA de faire autre chose au cours de la saison), Tom Thibodeau a créé un collectif qui travaille dur et cela semble enfin payer sur le terrain.
Julius Randle, symbole d’une mutation
Si la mue des Knicks est particulièrement frappante, un joueur en est le parfait symbole : Julius Randle. Meilleur joueur des Knicks l’an dernier, il est devenu une véritable star cette saison. All-Star, MIP en puissance et même dans la discussion pour le trophée de MVP, l’intérieur est devenu injouable. Comme souligné pour R.J. Barrett auparavant, Randle s’est lui aussi transformé en habitué des entraînements nocturnes. En février, il expliquait notamment au Players Tribune qu’il était le chef de meute pour ces entraînements tardifs lorsque New York jouait à l’extérieur. Et ces sessions supplémentaires sont déjà payantes.
Réputé comme un scoreur, ce qu’il est toujours comme en atteste son récent match à 40 points face à Atlanta, il a su élargir sa palette offensive pour devenir un joueur complet. À 3 pts, ce qui était autrefois un point faible (27.7 % l’an dernier) est devenu une force (41 % cette saison) et une nouvelle corde à son arc. Le natif de Dallas a également développé des qualités de playmaker, visibles à travers son attitude sur le parquet et notamment ses prises de ballon en tête de raquette, mais aussi grâce à ses 6.1 assists de moyenne qui le classent troisième parmi les intérieurs (derrière Nikola Jokic et Draymond Green) dans cette catégorie statistique.
Et puis Julius Randle niveau playmaking il a passé quel genre de cap?
On dirait pas LeBron là sérieusement? pic.twitter.com/6KP5OfD6Wr
— Knicks France (@KnicksFrance) April 22, 2021
Si Julius Randle a pris une nouvelle dimension cette saison, c’est également grâce à la confiance que lui accorde le coaching staff. Particulièrement aidé par l’assistant Kenny Payne à l’entraînement, Tom Thibodeau a fait de lui son leader sur le parquet. Preuve de la confiance de Thibs, il passe en moyenne 37.5 minutes sur le parquet par match, faisant de lui le joueur le plus utilisé de toute la ligue. Dans la rotation courte prônée par l’ancien cerveau des Bulls et des Timberwolves, être le joueur le plus présent sur le terrain montre toute l’importance qu’a Julius Randle dans ce système.
Une construction d’effectif solide
Si le travail de Tom Thibodeau et l’implication des joueurs sont des facteurs clés dans la réussite des Knicks cette saison, impossible de ne pas souligner le travail effectué par Leon Rose pour construire l’effectif. La clé ? Un effectif quasiment inchangé et des ajouts bien pensés. Par rapport à l’an dernier, les additions s’appellent Alec Burks et Nerlens Noël, mais aussi Immanuel Quickley et Obi Toppin via la draft sans oublier Derrick Rose qui est arrivé en cours de saison.

Sur le marché des agents libres, les choix d’Alec Burks et Nerlens Noël font sens. En délicatesse à 3 pts, les Knicks ont misé sur le premier cité pour artiller de loin et force est de constater que le pari est pour l’instant payant. Shooteur consistant, Burks affiche tout simplement sa meilleure moyenne derrière l’arc en carrière (40.8 %) alors qu’il est dans la saison où il tente le plus de tirs (5 par match). Pour le second nommé, New York se devait de renforcer son secteur intérieur pour avoir une alternative à Mitchell Robinson. Avec la blessure de ce dernier, Nerlens Noël a récupéré le poste de titulaire et apporte ce qu’il faut aux côtés de Julius Randle : de la défense. Enchaînant les contres spectaculaires, il contribue parfaitement dans son registre.
Du côté de la draft, si Obi Toppin peine encore à avoir de l’impact, Immanuel Quickley s’est lui parfaitement intégré dans la rotation. Également choisi pour ses qualités de shooteur, il s’affirme comme l’une des bonnes surprises de cette cuvée et est déjà la nouvelle coqueluche du Madison Square Garden. Enfin, Derrick Rose a été réuni avec Tom Thibodeau qui le connaît par cœur et apporte une solution viable à la mène en sortie de banc. Bilan des différents ajouts ? Une franche réussite et des choix judicieux qui, sans être de véritables coups d’éclats, ont également contribué à rendre cette équipe meilleure.
De risée des médias à chouchou de la ligue
Pour répondre par l’affirmative à notre question initiale, la presse new-yorkaise et plus globalement la presse spécialisée sont d'excellents indicateurs. Depuis des années, les journaux enfoncent des Knicks qui s’embourbaient dans le bas de tableau chaque année, alors que la franchise essayait de faire honneur à son statut. Ces tentatives de reconstruction express ont d’ailleurs été l’un des principaux sujets de moquerie à New York ces dernières années. Des venues de stars avortées, des choix de draft contestés et un niveau de jeu exécrable, tout prétexte était bon pour enterrer la franchise de Manhattan. Aujourd’hui, la donne est bien différente.
Après des années difficiles, les Knicks sont couverts de louanges par de nombreux observateurs. Jeu plaisant, mentalité exemplaire et réussite sur le terrain, New York est enfin attirant et plaît aussi bien à ses fans qu’à ceux qui ont un regard avisé sur le basketball nord-américain. Même certains acteurs de la ligue félicitent déjà la franchise de Big Apple pour sa saison à l’image d’un LeBron James qui s’est fendu du tweet pour rappeler que « la ligue est toujours meilleure lorsque les Knicks gagnent ». Outre le King, ce constat peut également être fait par les instances dirigeantes de la NBA qui, financièrement, ne peuvent que bénéficier d’un retour au premier plan d’un des plus gros marchés de la ligue qui semble enfin redevenir un lieu où les joueurs veulent aller.
Ain’t no denying DIPSET! And the league is simply better off when the Knicks are winning. https://t.co/Zifxs2OtVH
— LeBron James (@KingJames) April 22, 2021
Un rôle d’underdog en playoffs ?
Si l’on peut aujourd’hui considérer les Knicks comme une équipe qui gagne, c’est aussi très simplement parce que la franchise remporte des matchs ! La preuve, les coéquipiers de Frank Ntilikina sont actuellement sur une série de huit victoires, du jamais vu depuis un long moment à Gotham City. Avec un bilan de 33-27, New York est actuellement quatrième de sa conférence à douze matchs de la fin de la saison et, sauf accident, devrait retrouver des playoffs que la franchise n’a plus connus depuis 2012/2013. Mais que doit-on attendre des New-Yorkais cette saison en playoffs ? Difficile à dire.
The @nyknicks have won 8 straight games, their longest winning streak since 2014.
This is the first time that the Knicks are 4th or higher in the Eastern Conference standings at least 50 games into a season since finishing the 2012-13 season as the 2nd seed. pic.twitter.com/KKzDREcJPx
— ESPN Stats & Info (@ESPNStatsInfo) April 22, 2021
Premier constat, une qualification en playoffs serait déjà un énorme aboutissement pour ce groupe. Depuis la saison 1999/2000 et ces Finales perdues contre les Spurs, la franchise ne s’est qualifiée qu’à cinq reprises en playoffs. Par conséquent, retrouver la postseason fait déjà office de réussite. Deuxième constat, New York ne devrait pas avoir la pression des résultats. Enfin, presque. En effet, personne n’attendait les Knicks à ce niveau cette saison, et le groupe est encore très jeune. Par conséquent, l’expérience des playoffs sera un énorme plus, même si, dans le cas où la franchise terminerait la saison dans le top 4, passer un tour de playoffs pourrait devenir l’objectif. Depuis le début du millénaire, la franchise n’a remporté qu’une seule série (vs Celtics en 2013, N.D.L.R.) et un retour en forme dans une ville où les attentes sont fortes doit être fait par la grande porte. Pas de pression donc, mais un peu quand même.
Au final, on peut considérer les Knicks comme de véritables underdogs s’ils venaient à véritablement se qualifier en playoffs. Sans être favoris, les pensionnaires du Madison Square Garden seraient un vrai poil à gratter. Le genre d’équipe que personne ne veut affronter et qui peut piéger n’importe quelle tête d’affiche, surtout dans une ambiance de playoffs au MSG où les qualités défensives de ce groupe seront encore plus mises en exergue. New York commence à être craint, et c’est un gage de qualité mais aussi un symbole de réussite pour Tom Thibodeau qui, selon les dires de ses propres joueurs, R.J. Barrett en tête, doit absolument être dans la discussion pour le titre de coach de l’année. Une juste manière de récompenser son travail qui a transformé une franchise morose en équipe de vainqueurs.
De risée de la ligue à franchise de haut de tableau à l’Est, les Knicks ont connu une mue spectaculaire depuis l’arrivée de Tom Thibodeau sur le banc. Solide défensivement et adroite derrière l’arc, la franchise new-yorkaise est devenue une véritable équipe, avec des joueurs qui ne rechignent pas face à l’effort. Une transformation éclaire pour rendre ses lettres de noblesse à une franchise qui navigue entre déception et désillusion depuis trop longtemps, et qui semble enfin avoir mis le cap dans la bonne direction.
Crédit image en une : Mike Strobe/USA TODAY Sports