JO Tokyo – En route pour le doublé : Aliev & Hamadouche, successeurs d’un couple en or ?
Aux Jeux olympiques de Rio il y a cinq ans, la France avait obtenu 42 médailles, record d’après-guerre, dont dix titres olympiques. Parmi ces dix champions, certains tenteront de conserver leur titre et d’autres espéreront que leurs compatriotes leur succéderont. Parmi les neuf disciplines qui viseront un doublé Rio/Tokyo (seul le deux de couple poids légers homme n’est pas qualifié pour les JO après son titre en 2016), zoom aujourd’hui sur la boxe française, couronnée de succès à Tokyo derrière un couple en or qui pourrait voir Mourad Aliev et Maïva Hamadouche reprendre le flambeau.
Les disciplines : boxe +91kg & -60kg
Parfois considérée comme un sport de brutes dangereux, la boxe anglaise est pourtant considéré en Angleterre, là où la discipline a notamment été codifiée par le marquis de Queensberry, comme le noble art. Sport de combat opposant deux adversaires de même catégorie de poids et de même sexe, il se pratique uniquement avec l’utilisation des poings, protégés par des gants, pouvant asséner des coups au visage et au buste. Pratiquée dès l’Antiquité par les grecs à qui on attribue des disciplines plus archaïques comme le pugilat ou le pancrace, il fait partie des sports historiques des Jeux olympiques.
Intégrée au programme olympique lors des Jeux olympiques de St. Louis en 1904 pour les hommes (seulement en 2012 pour les femmes, n.d.l.r), la boxe n’en sortit qu’une fois (à Stockholm en 1912 à cause de la législation en vigueur dans le pays) et connaîtra sa vingt-sixième édition à Tokyo. Si le principe des combats reste le même que dans le monde professionnel, à savoir d’infliger le plus de coups à son adversaire afin de le mettre KO ou d’obtenir un TKO (KO technique), les règles olympiques diffèrent légèrement. Tout d’abord, la découpe du combat est différente. En effet, il est fractionné en trois rounds de trois minutes chez les hommes et en quatre de deux minutes chez les femmes. Pour s’imposer autrement que par KO ou TKO, chaque boxeur doit toucher le plus possible le devant de la tête ou du corps – au-dessus de la ceinture – de son adversaire pour obtenir des points. Au final, le vainqueur du combat est ainsi celui ayant obtenu le plus de points à l’issue des trois ou quatre rounds.
La France avant 2016
Si historiquement la France est très loin des mastodontes que sont les États-Unis, la Russie ou encore Cuba en termes de médailles et de titres, les Tricolores se classent tout de même neuvièmes au total des médailles (25 au total, 19 avant Rio 2016). Concernant les titres remportés, c’est en revanche plus délicat. Si Paul Fritsch fut titré chez les poids plumes à Anvers en 1920 et que Jean Despeaux et Roger Michelot réalisèrent un doublé moyens/mi-lourds à Berlin en 1936, l’après-guerre fut synonyme d’une très longue période de disette pour les Bleus. Entre 1948 et 2000, la France ne remporta pas le moindre titre. Le salut viendra finalement de Brahim Asloum chez les mi-mouches à Sidney, une éclaircie dans une nébuleuse terne.
Dans les catégories de poids où concourront Mourad Aliev et Maïva Hamadouche à Tokyo, la France ne s’est pas particulièrement illustrée. Chez les super-lourds hommes, seul -|- avait ramené une médaille de bronze d’Anvers en 1920. Pire, aucun français ne s’était qualifié dans la catégorie reine depuis Josué Blocus à Atlanta en 1996. Qualifié mais rapidement éliminé en 2012, Tony Yoka était alors en mission à Rio. Chez les femmes, aucune combattante ne s’était qualifiée pour les Jeux olympiques de Londres quatre ans auparavant, seule édition où la boxe était mixte. Estelle Mossely avait ainsi tout pour écrire l’histoire.
Succéder à Tony Yoka et Estelle Mossely
L’histoire de Tony Yoka et Estelle Mossely, c’est l’histoire d’un couple venu à Tokyo pour écrire l’histoire. Championne du monde amateure dans sa catégorie (-60kg) quelques mois avant les J.O, Estelle Mossely représente une importante chance de médaille pour le clan français et s’invite même parmi les favorites en compagnie notamment de l’Irlandaise Katie Taylor, tenante du titre. Sûre d’elle, la native de Créteil ne tremblera pas. Victoire convaincante face à l’Italienne Irma Testa en quarts, TKO contre la Russe Anastasia Beliakova dans le remake de la dernière finale des championnats du monde et enfin le titre conte la Chinoise Yin Junhua malgré un mauvais début de combat. À 24 ans, elle devint ainsi la première médaillée (et championne) olympique française de l’histoire de la boxe.
En parallèle, son compagnon Tony Yoka s’approchait également de son rêve olympique. Champion du monde amateur en 2015 à Doha, le Français arrive avec le statut de favori. Un statut qu’il va respecter tout au long du tournoi olympique. Intraitable en huitièmes puis en quarts, il est légèrement bousculé en demi-finale par le Croate Filip Hrgović, champion d’Europe amateur en 2015, mais se qualifie pour la finale. Il y retrouve alors Joe Joyce, le Britannique ayant fait tomber le vice-champion du monde amateur kazakh Ivan Dychko au tour précédent. S’il est bousculé, le Francilien tient bon et l’emporte sur décision des juges, offrant à la France son premier titre olympique dans la catégorie qui avait vu s’imposer de nombreux grands boxeurs avant lui comme Joe Frazier (1964), George Foreman (1968), Wladymir Kltischko (1996) ou plus récemment Anthony Joshua (2012) à qui il succéda.
Les chances en 2021
Le couple en or de Rio s’étant orienté vers le monde professionnel, ce sont deux autres boxeurs qui porteront les espoirs français pour conserver ces titres olympiques. Chez les hommes en +91kg, Mourad Aliev tentera de succéder à Tony Yoka. Né à Moscou de parents azéris, il arrive en France à l’âge de six ans avant d’être naturalisé en 2017. Fils d’un ancien boxeur amateur, ce grand gabarit (2m02) gaucher a assuré son billet début juin en battant le Géorgien Giogi Tchigladze en quarts de finale du tournoi du qualification olympique. Médaillé d’argent aux Jeux Européens en 2019, il arrivera à Tokyo en forme après avoir remporté le TQO où il a dominé le Britannique Frazer Clarke en finale. Sûr de sa force, il a récemment confié croire en ses chances de titre, un objectif clairement annoncé comme il l’a déclaré après sa victoire contre Clarke : « J’irai à Tokyo pour gagner l’or. Si je ne croyais pas en moi, qui le fera ? ».
Chez les femmes, c’est Maïva Hamadouche qui essaiera de succéder à Estelle Mossely. Professionnelle depuis, 2013, El Veneno, le poison en français, est une référence dans sa catégorie de poids (-60 kg). Détentrice de la ceinture mondiale IBF depuis 2016 et de celle européenne IBU depuis 2015, elle ne s’est inclinée qu’une seule fois chez les pros pour vingt-deux victoires dont dix-huit par KO. Revenue en équipe de France et dans le monde amateur (tout en continuant à défendre sa ceinture mondiale) en 2019 pour se qualifier pour les Jeux olympiques, elle a depuis glané une médaille d’argent aux derniers championnats d’Europe. Policière dans la vie civile, Hamadouche s’est fait peur lors du tournoi de qualification olympique en perdant contre l’Irlandaise Kellie Harrington en quarts de finale, mais a finalement assuré son ticket en battant la Hongroise Kata Pribojski lors des repêchages.
Concernant ses chances de médaille, la Française aura un certain statut à défendre. En effet, en se qualifiant pour Tokyo, elle est devenue la première championne mondiale en titre (hommes et femmes confondus) à accéder au tournoi olympique. Seule Bleue présente à Tokyo en boxe, elle visera le titre même si son acclimatation au style amateur n’est pas encore parfaite.
Pour savoir si la France réalisera le doublé Rio/Tokyo, rendez-vous du 24 juillet au 8 août pour savoir si Mourad Aliev succédera à Tony Yoka chez les super lourds, et parallèlement du 27 juillet au 8 août pour suivre le parcours de Maïva Hamadouche chez les poids léger.
Crédit image en une : Baptiste Fernandez/Icon Sports