C'est un final à couper le souffle que nous a offert ce premier sprint masculin. Longtemps Martin Fourcade a cru s'imposer, mais c'était sans compter les ressources d'un Tarjei Bø revanchard et boosté par la victoire de son frangin la veille, de s'imposer d'un rien. C'est la deuxième victoire “bøesque” en deux jours et la deuxième frustration du Français, mais celle-ci, bien plus grande qu'après celle de l'individuelle.
Parti très tôt, Martin Fourcade, dossard 13, a dû attendre la toute fin de course pour connaître l'issue de sa performance. Avec un tir à 9/10, le Français avait relégué à 3″ l'Allemand Erik Lesser, lui aussi fautif au tir et Emil Svendsen à plus de 13″. La route semblait donc dégagée pour enfin bien lancer sa saison par une première victoire qu'il lui avait échappé mercredi. Mais même en biathlon, “it ain't over til' it's over”.

Et Tarjei a surgit hors de la nuit…
Dossard 94 sur les épaules, l'aîné des Bø, en recherche de confiance et de victoires depuis plusieurs saisons (son dernier sacre en individuel remontait à 2013) ainsi que de forme, – il a été frappé par des virus et infections non-identifiés en 2016-2017 – n'attendait pas grand chose de cette épreuve, si ce n'est de continuer à retrouver des sensations afin d'atteindre à nouveau un niveau proche d'un podium en vue de Pyeongchang.
Mais renseigné par les temps de ses adversaires, dont Martin Fourcade et averti des modifications de tir à effectuer après le coup de mou de son frère (Johannes a réalisé un décevant 7/10), le “dernier des autres” à avoir remporté le gros globe en 2011, partait donc avec un sacré avantage dans sa housse de carabine. Restait à ne pas se rater devant les cibles et à tenir physiquement.
Auteur, comme les meilleurs d'une seule faute, il perdait néanmoins beaucoup de temps lors du dernier tour au point de n'avoir plus que 0,9 secondes d'avance au dernier intermédiaire. Mais poussé par son staff et le public (bien que nous soyons en Suède, la colonie norvégienne est toujours bien présente et renforcée de quelques suédois qui oublient durant quelques jours les “rivalités” propres aux pays scandinaves – et peut-être aussi parce que n'ayant pas de candidats capables de se hisser vers les sommets, ils se raccrochent à ce qu'ils peuvent), le Champion du Monde 2011 donnait tout ce qu'il avait en puisant au fin fond de lui-même pour s'offrir l'espoir d'un succès qu'il n'espérait plus de sitôt.
On connaît la fin. Tarjei Bø n'a perdu que 2 des 9 dixièmes de sursis qui lui restaient, s'est imposé après trois ans et demi de disette, a éjecté Svendsen de la boîte et a privé Martin Fourcade d'une victoire qui lui tendait les bras, après son échec de mercredi. Le Français, qui a vécu l'arrivée de son néanmoins ami de la zone mixte, a montré des signes d'agacement à la vue du résultat.

Deux courses, zéro victoires, un tableau de marche inédit et frustrant pour le sextuple vainqueur du Général en titre. Et même s'il a récupéré son bien, son dossard jaune de leader, il sait toutefois que la lutte semble plus accrue que les années précédentes et la concurrence plus incisive. Celle du retour aux affaires des Norvégiens, incarné aujourd'hui par les frères Bø et un Emil Svendsen tout proche lui aussi de scorer. Une belle saison en perspective.
Stéphanie PORTELLI