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Roger Federer, roi à Wimbledon mais pas que : retour sur le parcours d’un mythe des courts de tennis

On ne le présente plus. Le nom, le palmarès, le mythe que revêt l’évocation de son nom, sa notoriété inénarrable font certainement de lui l’un des athlètes les plus marquants de l’histoire. A bientôt 41 ans, à quelques mètres voire centimètres de la porte de la retraite, le tennisman suisse aura fait vibrer plusieurs générations d’amateurs de la balle jaune. Mais en réalité, que retenir concrètement de celui qui répond au nom de Roger Federer…?

Une longévité qui commence à laisser des plumes,

Le 08 août 2022, le natif de Bâle fêtera son 41e anniversaire. Vous avez bien entendu, quarante  et un printemps et toujours actif sur les courts de tennis pour un joueur qui aura tout gagné, qui n’a plus rien à prouver et dont le nom trônera inéluctablement tout en haut au firmament des athlètes les plus mythiques de l’histoire du sport dans sa globalité. Il n’y a pas si longtemps que cela, en juillet 2021, Roger Federer disputait un énième quart de finale de grand chelem dans jardin de Wimbledon et rêvait d’un 21e titre majeur. Mais voilà, même les icônes éternelles ont des dates professionnelles de péremption. Ses 103 titres engrangés en carrière faisant de lui le deuxième joueur le plus titré de l’histoire ne feront pas nier l’indéniable. L’esthète quelle que soit sa dimension est un mortel après tout et lui aussi a le droit à un moment donné de laisser des plumes au combat et de ne plus suivre son corps. Tel est certainement aujourd’hui le cas de Federer qui nonobstant son enthousiasme à continuer au haut niveau est obligé de courber l’échine devant l’évidence. Il n’est plus un foudre de guerre et sans plus l’ombre d’un gros doute, il serait temps pour lui de tirer sa révérence.

Morceaux choisis,  après deux opérations au genou en 2020, le suisse a pu revenir sur les courts mais la grosse tâche noire, c’est qu’il n’a disputé que cinq tournois (Doha, Genève, Roland-Garros, Halle et Wimbledon) et que, bien qu’il ait tout de même atteint les quarts de finale à Wimbledon, il n’a plus joué ensuite et a subi une autre opération du genou droit qui le tiendra éloigné du circuit pendant de nombreux mois encore, dans l’attente d’un hypothétique retour dans les prochaines semaines… Certaines indiscrétions parlent d’un probable retour à l’été 2022. D’ici-là, les hommages continuent tout de même à fleurir pour donner davantage du liant à une longévité  qui force admiration et adulation même si elle s’essouffle considérablement. Charles Haroche et Frédéric Vallois dans l’excellent Federer, un mythe contemporain (édition Solar) déclaraient « on ne sait si Federer a élu domicile sur l’Olympe mais il ne fait plus tout à fait partie des mortels ». Certes, continuent les auteurs,  « il ne multiplie pas les pains ni ne change l’eau en vin, mais il résout les paradoxes et sublime les antagonismes : icône locale et mondiale, tempérament de feu et de glace, réconciliation du corps et de l’esprit, talent inné et acquis, tennis classique et révolutionnaire, chroniqueur de l’instant et historien du temps long. »

Des chiffres  qui défient l’extraordinaire,

L’ancien numéro 1 au classement ATP est joueur professionnel depuis 1998.  310 semaines durant, Roger Federer occupera la première place du classement mondial de tennis ATP World Tour ; ce qui lui vaut de détenir le record de 237 semaines consécutives toujours dans le même registre soit quatre ans et 199 jours. Le chapelet est encore plus long. Et pour cause, entre la toute première fois où il accédé à cette majestueuse place et la toute dernière fois où Federer a conquis la loge de numéro 1 mondial, il s’est écoulé 14 bonnes années, c’est-à-dire du du 2 février 2004 au 24 juin 2018. Un record ! Aussi doit-on à la postérité de notifier qu’à date, Le roi de Wimbledon comme d’aucuns aiment à l’appeler partagent le record masculin de 20 victoires dans les tournois du Grand Chelem avec Rafael Nadal et Novak Djokovic . Pour finir, le bâlois a terminé l'année calendaire à la première place mondiale à cinq reprises, en 2004, 2005, 2006, 2007 et 2009. Ce qui lui valut à l’issue de ces saisons sus-énumérées d’être sacré champion du monde par l'ITF au terme des mêmes saisons.

Anecdotes, dates, moments cocasses ou autres consécrations qui ont construit la légende de l’éternel Federer

  • Cette première finale qu’il a laissé filer. C’était en 2000 à Marseille, contre son compatriote Marc Rosset.
  • C’est connu du moins par les inconditionnels des courts de tennis et en même temps partisans de Federer. Ses « Come on » (quand tout va bien) ou « Chum Jetzt » (quand tout va mal).
  • Un 6/0 en un set contre Djokovic à Cincinnati en 2012 qui deviendra une pierre précieuse pour les annales. On aura rarement vu Roger aussi fort et si souverain face au « Djoker ».
  • Cette barbe de 2015 que personne n’a vue venir et qui a bousculé les certitudes et crevé l’écran. Osons le dire ! Elle a en réalité bouleversé le monde de la petite balle jaune : comment le si policé et bien coiffé, le presque métrosexuel  Federer pouvait-il se laisser aller à une négligence aussi frappante ? Heureusement, ce sera court comme l’éclair…

  • Sa volée du coup droit liftée absolument magistrale, mais difficilement réalisable : une référence en la matière et dont lui seul a le secret.

  • Cette propension quasi-facile à pleurer. Un champion pleure souvent quand il gagne. Moins quand il perd. En janvier 2009, Federer, qui reste sur trois défaites de rang contre Nadal en finale (Roland-Garros, Wimbledon et Open d’Australie), prend la parole et lâche de fécondes larmes. Il n’arrive plus à battre l’espagnol. La lumière s’attarde sur Federer qui remportera trois grands chelems sur quatre par la suite. Un joli coup nez au destin devenu si fatal et si acharné.

  • – Pas moins de 50 aces en finale de Wimbledon en 2009 contre Andy Roddick, serial serveur et victime favorite de l’orgre Federer.

  • Un coup droit pharaonique à Roland-Garros en 2009 contre Tommy Haas que les mémoires du tennis ne perdront plus jamais de vue. La veille, Nadal a été éliminé par Soderling ; le titre tend les bras à Roger qui ne doit faire qu’une bouchée de l’allemand. Sauf que l’ami Haas mène rapidement deux sets à zéro et a une possibilité de break dans le troisième. Le suisse sort un coup droit magique et renverse la tendance. La marche vers la victoire finale est enclenchée.

  • Ses années d’avant son image de gendre idéal : il fut un temps où Federer était très nerveux, impulsif voire irascible. Il criait contre les arbitres et cassait des raquettes. Comprenant que les sommets se décrochent par calme, maîtrise de soi et stoïcisme, le tennisman va s’apaiser au fil du temps. Seul moment de rechute : en 2008. Après sa rouste contre Nadal à Roland-Garros (un 6/0 dans le dernier set), Federer casse des raquettes pendant la tournée américaine. Un titre à l’US Open quelques jours plus tard dorlotera tant que faire se peut la déception, l’ire du génie.

  • Cette dualité dans son surnom. Il y a celui des périodes fastes : « FedEx ». Comprendre « Federer Express » lié à sa faculté à gagner ses matchs en si peu de temps qu’il n’avait même pas besoin de transpirer. Il existe aussi « PeRFect » qui a le mérite d’être suffisamment édifiant.

  • Une mirobolante médaille d’or en double en 2008 avec son pote Wawrinka. L’amitié se fissurera tout de même quand Mme Federer s’en prendra à Stan en pleine demi-finale de Masters en 2014.

  • Ses quasi-systématiques et ô combien éternels aces au T pour conclure un match. Simple et efficace.

  • 20 grands chelems : 8 Wimbledon, 6 Open d’Australie, 5 US Open et 1 Roland-Garros. Effarant et admirable !

  • Une popularité chevillée à son corps comme l’ADN d’un humain. Finale de Coupe Davis à Lille contre les Bleus, où même les Français étaient pour lui. Idem en 2015 à Wimbledon face à Andy Murray, le chouchou des lieux, où les Anglais n’avaient « Dieu » que pour le Suisse. Un de ces moments que l’histoire ne photographie qu’une fois. Sensationnel.

  • Une assise financière dantesque et donc singulièrement enviable. Un « prize money » estimé à plus de 120 millions d’euros et autant en sponsoring (Uniqlo, Barilla, Lindt, Rolex) : Federer a une main en or et sait la monnayer. Génie pas seulement sur le court mais aussi dans les affaires. Clairvoyance !

  • Le chiffre 12 et la saison 2006. Cette année-là, Federer remporte 12 titres en une saison : 3 grands chelems (et une finale perdue à Roland Garros), 3 Masters 1 000 et le Masters. Sa saison la plus aboutie.

  • Ces multiples matchs perdus en l’occurrence sur des détails et qui ont laissé un sacré goût amer. On rappellera notamment la finale de Wimbledon 2019 mais aussi cette demie contre Djokovic en 2010 où le Serbe sauve une balle de match en fermant les yeux.

  • Cette victoire d’anthologie en 2001 contre Pete Sampras, alors maître de Wimbledon. L’idole de toute une génération. Le jeune Suisse a alors 19 ans. Il déboulonne la statue et renvoie « Pistol Pete » à ses études. Federer remportera huit Wimbledon. Sampras s’est arrêté à sept. L’élève va dépasser le maître.

  • Federer Djoko-Roger again. Demi-finale contre Novak en 2011. Federer dans le doute, le serbe intouchable : voilà les données avant le match. Invaincu depuis le début de l’année, Djokovic doit marcher sur un « RF » que certains ont déjà enseveli. Le suisse est impérial et trimballe de tous les côtés du court le djoker. Le premier set est un chef-d’œuvre. Devant un public conquis, Roger bat Novak dans le plus beau match de la décennie porte d’Auteuil aux dires des spécialistes.

  • Un tie-break culte et mémorable contre Nadal en finale de Wimbledon en 2008. Malmené par l’Espagnol, Federer a une balle de match à sauver. Nadal monte au filet et a neuf doigts et demi sur la coupe. Mais le Suisse décoche un sublime passing de revers long de ligne. Nadal d’abord crucifié va renaître de ses cendres. Le Majorquin l’emporte finalement au bout de la nuit, mais Federer n’a rien perdu de sa superbe. Il reste le génie capable de sortir le point magistral quand il le faut.

  • 2009, année de son unique titre à Roland-Garros. Il s’agit d’un véritable parcours du combattant : mené 2 sets à 0 contre Haas en huitième de finale, puis malmené par le si puissant del Potro et vainqueur du tombeur de Nadal, Soderling. Un cheminement royal.

  • La finale perdue en 2019 à Wimbledon contre Novak Djokovic. Certes, au bout, ce fut une défaite mais à 38 ans, Federer a dominé pendant cinq sets le numéro un mondial, l’assommant de coups droits tonitruants, de revers frappés et des montées au filet enivrantes. Le Suisse aura deux balles de match. Puis une balle de break. Il s’incline finalement, laissant passer la dernière chance de remporter un grand chelem. L’incarnation de l’héroïsme.

  • Ses come-back venus d’ailleurs et complètement invraisemblables. On le jugeait perdu ou fini pour le tennis, d’aucuns lui prédisaient la pénombre mais de l’ombre, il revenait toujours dans la lumière du jour. Il y eut d’abord 2009, après les traumatismes de 2008 (défaites face à Nadal), puis 2012 et 2014 (il était sorti en 2013 du top 5). Et enfin 2017. Blessé puis absent des courts pendant huit mois, Federer réussit une performance monstrueuse en remportant l’Open d’Australie face au même Nadal en cinq sets (une première depuis 2007), puis Wimbledon, et en redevenant à plus de 36 ans numéro un mondial. Que dire de plus ? Si ce n’est rendre hommage à l’artiste.

L’année 2021 aura été un nid de cauchemars pour RF. Seulement 9 victoires pour 4 victoires et un rang peu honorable de 16e au classement ATP. Soit. Même si demain, il faisait ses  adieux au tennis,  l’héritage que Federer laissera au monde la balle jaune est inestimable et son parcours de vie comme celui sur les courts ne peuvent être racontés avec rationalité tellement ils banalisent l’extraordinaire.

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